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priétés de ces systèmes dépendant du temps[1]. » Là où le grand physicien s’est abusé, c’est quand il a cru que la simple recherche de règles empiriques, de lois, suffit pour nous pousser à ces déductions. Cette conviction est chez lui la conséquence logique de son système. Hertz, on le sait, a voulu faire complètement abstraction de la notion de force, en réduisant la mécanique à la masse et au mouvement. Les masses sont rattachées les unes aux autres et surtout à des masses cachées par des liaisons rigides (starre Verbindungen). Hertz conçoit l’existence de ces liaisons comme une loi, et les lois ne variant pas dans le temps, les liaisons doivent en être indépendantes[2]. Mais ces mêmes liaisons lui apparaissent aussi comme des propriétés, d’où il conclut, comme nous venons de le voir, que la recherche de la loi conduit à celle de propriétés indépendantes du temps. C’est là évidemment une simple conséquence de l’erreur dont nous avons expliqué les origines au chapitre premier (p. 28 ss.). M. Ostwald, qui part de principes tout à fait opposés à ceux de Hertz, puisqu’il considère comme radicalement impossible toute réduction des phénomènes naturels au mécanisme, affirme cependant aussi que la recherche des lois se ramène à celle d’un « invariant, c’est-à-dire d’une grandeur qui demeure invariable quand toutes les autres varient entre les limites possibles » et l’on voit par le contexte, où M. Ostwald cite comme exemple de ces invariants la masse et le poids, qu’il pense surtout à des concepts restant immuables dans le temps et susceptibles de nous apparaître comme des êtres, des substances[3]. Mais ceci exige une analyse un peu plus approfondie.

Nous avons vu (chap. i, p. 23 ss.) que la science purement légale ne traite pas d’une manière identique les choses et les lois par rapport au temps ; ces dernières sont supposées immuables, alors que les premières peuvent varier. La science légale ayant pour but la prévision, c’est la variation de l’objet dans le temps qu’elle doit, semble-t-il, étudier en première ligne, et la forme la plus naturelle de la loi est celle qui nous indique l’évolution du phénomène en fonction du temps comme variable indépendante. Nous avons cité au chapitre premier des exemples de lois de ce genre. Reprenons

  1. Ib., p. 162.
  2. Ib., p. 90, 161, 199, 202.
  3. Ostwald. La déroute de l’atomisme contemporain. Revue générale des sciences », vol. VI, p. 954.