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nant Dieu à un synode religieux[1]. Mais ce n’est là évidemment qu’une boutade ; le Dieu dont parle Joule n’a rien de commun avec la théologie : il est, comme celui de Descartes et de Leibniz dans quantité de passages analogues, comme celui de Colding dans l’extrait que nous venons de citer, un symbole de l’ordre général de la nature, et, dans le cas particulier, de l’immutabilité essentielle des choses, c’est-à-dire du principe causal.

Helmholtz, dans son travail de 1847, invoque, tout comme ses prédécesseurs, le principe causal[2] et dix ans plus tard encore, Faraday, en exposant ses idées sur la conservation de l’énergie, ne songe pas un seul instant à la traiter en loi expérimentale, mais fonde sa conviction sur l’égalité de la cause et de l’effet[3].

À côté de ces déductions purement causales, qui dominent incontestablement, on en trouve d’autres où la causalité semble moins directement mise en jeu. Elles appartiennent à deux types principaux : la démonstration par les forces centrales et celle qui est tirée de l’impossibilité du mouvement perpétuel : toutes les deux se trouvent formulées dans le travail de Helmholtz de 1847. La première consiste à supposer que tous les phénomènes du mouvement sont exclusivement régis par des forces émanant de centres et dont l’action se produit suivant des droites qui joignent ces centres deux à deux, d’après une loi qui ne dépend que de la distance ;

  1. Mach. Die Principien der Waermelehre. Leipzig, 1896, p. 261.
  2. Helmohltz. Wissenschaftliche Abhandlungen, p. 13. « Wir werden genoethigt und berechtigt… durch den Grundsatz, dass jede Veraenderung in der Natur eine zureichende Ursarhe haben muesse. » Plus tard Helmholtz, en ajoutant des notes à ce travail, a déclaré qu’il avait été trop influencé par Kant et que le principe de causalité n’était que l’hypothèse de la légalité de tous les phénomènes (Cf. p. 2). C’est la confusion bien connue, et l’on se rend compte aisément que le principe dont Helmholtz s’est servi pour affirmer qu’il fallait réduire les phénomènes à des forces immuables dans le temps, est bien celui de causalité. On voit aussi par la suite du passage (ib., p. 68) que ce qui l’a induit en erreur, c’est la confusion entre les lois et les propriétés des corps : « Das Gesetz als objektive Macht anerkannt, nennen wir Kraft. » (Cf. plus haut, p. 28 ss.)
  3. Faraday. On the Conservation of Force. Phil. Mag. (4) XIII, 1857, p. 239, cf. id. Experimental Researches on Electricity. Londres, 1839-1855, vol. II, §§ 2069, 2073. Il est curieux de constater que les violentes attaques de Tait contre J.-R. Mayer et Séguin accusés d’être « philosophes spéculateurs » et « métaphysiciens » (cf. par exemple Tait. Conférences. Paris, 1856, p. 18, 73, 77) se retournent contre Faraday et même, nous l’avons vu, contre Joule.