Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur. Mais ces découvertes, par suite de la mort prématurée du grand théoricien, sont restées enfouies dans ses notes manuscrites qui n’ont été publiées qu’en 1871[1].

En dépit de tout, la théorie de la chaleur-matière restait dominante. Sadi Carnot, dans son célèbre opuscule paru en 1824, avait fondé ses recherches sur cette conception. « La production de la puissance motrice, dit-il, est due, dans les machines à vapeur, non à une consommation réelle du calorique, mais à son transport d’un corps chaud à un corps froid[2]. »

Le travail de J.-R. Mayer[3] paru en 1842 est la première en date des publications sur le principe de la conservation de l’énergie, dans son sens actuel. Les travaux de Colding sont à peu près contemporains de ceux de Mayer, mais ont été publiés un peu plus tard[4]. L’attention du monde savant ne fut attirée cependant que par les recherches expérimentales de Joule, dont la première publication date de 1843[5]. Le travail de Helmholtz[6], publié en 1847 et qui donnait une interprétation mécanique complète du principe, contribua à assurer son triomphe.

La conservation de l’énergie est-elle une loi empirique ? Les physiciens ont quelquefois trouvé commode de la traiter comme telle ; mais M. H. Poincaré, en procédant ainsi, a eu soin d’avertir le lecteur que cette conception n’est pas conforme à la vérité historique[7]. En effet il faut alors, négligeant complètement le développement que nous avons tenté de retracer, prendre pour point de départ les travaux de Joule, en les considérant, non pas comme une vérification du principe (ce qu’ils étaient en réalité), mais comme une démonstration

  1. Cf. Poincaré, l. c., p. 51. Ces notes ont été reproduites dans la 2e édition des Réflexions. Paris, 1878.
  2. Sadi Carnot. Réflexions sur la puissance motrice du feu. Paris, 1903, p. 10. Dans les dernières pages de ce travail, Carnot exprime des doutes sur la légitimité de cette conception (cf. plus bas, p. 186). Ces réserves ont passé inaperçues.
  3. J.-R. Mayer. Bemerkungen ueber die Kraefte der unbelebten Natur. Liebig’s Annalen, vol. XLII, 1842.
  4. Cf. plus bas, p. 183.
  5. J.-P. Joule. On the Calorific Effect of Magneto-Electricity and on the Mechanical Value of Heat. Philosophical Magazine, vol. XXIII. Londres, 1843.
  6. Helmholtz. Ueber die Erhaltung der Kraft. 1847, reproduit dans Wissenschaftliche Abhandlungen, vol. I, p. 12 ss.
  7. H. Poincaré, l. c., p. 65.