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tainement beaucoup de peine à nous habituer à l’idée que le repos des corps terrestres n’est qu’apparent.

Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’il ne s’agisse que d’une phase transitoire de la science. Les théories électriques semblent démontrer qu’il nous faut tenir compte, non seulement des mouvements des corps pondérables les uns à l’égard des autres, mais encore des mouvements de ces corps à l’égard du milieu universel, l’éther. La question est trop complexe, et d’ailleurs les travaux de MM. Lorentz et Michelson — pour ne citer que ces deux noms célèbres — sont trop connus des physiciens, pour que nous songions à en donner ici un exposé même sommaire. Qu’il nous suffise d’indiquer qu’il est question de déterminer, par certains phénomènes, le déplacement absolu de la terre relativement à l’éther. Sans doute on n’est parvenu jusqu’ici qu’à des résultats contradictoires, ainsi que nous l’avons mentionné plus haut[1]. Mais le fait seul qu’on ait pu rechercher cette donnée prouve, comme le reconnaît M. Poincaré (qui pourtant tient ferme pour la relativité de l’espace), que cette recherche n’était pas absurde[2] : il nous semble d’ailleurs que les considérations fondées sur la conception de Newton suffisent pour le démontrer. Rien ne prouve, en outre, que des recherches de ce genre doivent rester toujours stériles. Or, qu’arriverait-il si nous parvenions à indiquer réellement notre déplacement par rapport à l’éther ? Sans doute, on pourrait considérer que ce n’est encore là qu’une donnée relative, et rien ne nous empêcherait de supposer que l’éther lui-même se déplace dans l’espace. Mais ce serait pécher contre la maxime d’Occam. Il est donc infiniment plus probable que ce jour-là nous reviendrions enfin à la conception logique de l’espace et du mouvement absolus, en considérant la relativité apparente des mouvements rectilignes et uniformes comme une simple conséquence du principe d’inertie.

Ainsi, les deux démonstrations a priori du principe d’inertie sont toutes deux également irrecevables. Comme une analyse plus approfondie du principe lui-même va nous le démontrer, l’inertie, loin d’être une notion instinctive de notre esprit que le raisonnement ultérieur ne ferait que dégager (ce qui est évidemment la définition de l’apriori-

  1. Cf. p. 50.
  2. H. Poincaré. La science et l’hypothèse, p. 201.