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égard comme rempli d’une infinité de systèmes de coordonnées absolument rigides[1].

On peut, dans une certaine mesure, conserver les apparences de la relativité en stipulant que le mouvement sera rectiligne à l’égard d’un autre mouvement ou d’un système de mouvements qui se feraient en vertu de l’inertie. Des formules de genre ont été proposées par MM. Streintz[2] et Ludw. Lange[3] et l’on voit par la Theoria motus d’Euler que ce dernier avait conçu une idée analogue[4]. M. Streintz appelle « corps fondamental » un corps quelconque qui peut être considéré comme indépendant des corps qui l’entourent et qui n’est pas en train d’exécuter un mouvement de rotation. On peut s’assurer de cette dernière circonstance par des expériences directes, par exemple à l’aide du pendule ou du gyroscope de Foucault[5], instruments qui, comme on sait, indiquent la vitesse absolue du mouvement de rotation et non pas seulement, comme c’est le cas quand nous considérons des vitesses rectilignes, les modifications de la vitesse. Le principe d’inertie consiste dès lors à affirmer qu’à l’égard d’un tel corps fondamental, ou d’un système de coordonnées qui s’y rattachent et que M. Streintz désigne comme « système de coordonnées fondamental », tout autre corps, s’il n’est pas soumis à des influences du dehors, se déplacera en ligne droite et avec une vitesse uniforme. M. L. Lange considère les mouvements de trois « points matériels » sur trois droites qui se rencontrent en un point, et rapporte les mouvements de tous les autres corps à ce « système inertial » ; la supposition que ces trois points primitifs suivent un mouvement uniforme en ligne droite, est une convention ; si on l’accepte, l’énoncé analogue pour les autres corps peut être considéré comme une vérité d’expérience. — Le système de M. Streintz a le grand avantage d’être à peu près conforme à

  1. Il semble bien qu’à un moment donné la science a connu un principe, au moins sous-entendu, qu’on pourrait qualifier de principe de la relativité du mouvement. Nous avons cherché à en préciser la portée (Cf. Appendice III) et l’on verra qu’il ne se confond nullement avec notre principe d’inertie actuel.
  2. H. Streintz. Die physikalischen Grundlagen der Mechanik. Leipzig, 1883, p. 24-25.
  3. Cf. p. 20.
  4. Euler, l. c., § 100.
  5. On trouvera Revue générale des sciences, 1904, p. 881, la description d’un appareil nouveau, mais basé également sur le principe du gyroscope.