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Fragment d’un plan de sociologie descriptive
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vraiment ce genre de solidarité à la fois mécanique et organique qui, de nature différente, aboutit tout de même à remplir les fonctions que chez nous remplit l’organisation définie de l’État. C’est toute une série d’autres sous-groupes qui sectionne, recoupe, réarrange, réajuste les groupes politico-domestiques[1].

La plupart des sociétés étudiées étant à base de clan, méritent, même les plus hautes, le nom de « polysegmentaires » que Durkheim leur a donné ; mais elles comprennent d’autres formations, secondaires celles-ci, qui unissent les membres des clans d’une autre façon que celle de la descendance et de l’alliance.

Considérons comme connus les mécanismes moraux qui constituent l’autorité intérieure des clans, leurs relations entre eux, et surtout les relations politiques, religieuses, etc., de phratrie à phratrie et de clan à clan. Il faut tout de suite considérer trois grandes formes de divisions et d’associations de divisions de la totalité de la société en dehors, ou relativement en dehors des associations de clans et de phratries.

a) Société des hommes : c’est d’abord la division par sexes. L’autorité appartient normalement, ou plutôt généralement aux hommes, même en pays de descendance utérine. Les hommes forment une société à part, politique, militaire, religieuse, sacrée. Elle est, de plus, très souvent concentrée dans un conseil d’anciens incarnant plus ou moins fréquemment l’inorganisation permanente. Ceci est le cas, même de l’Australie, à peu près sans exception. Un assez grand nombre de sociétés noires ont certainement des sociétés de femmes. Ainsi, il y a à peu près partout un point où l’autorité des clans rencontre sa rivale.

b) Ces sociétés sont normalement divisées par âges. Exemple : fraternité des coinitiés dans tout le Soudan français ; le plus souvent, ces âges sont hiérarchisés entre eux. Quelquefois, il y a une véritable réglementation d’une espèce de retraite des vieux (Amérique du Nord-Ouest par exemple).

c) Ensuite, ces sociétés sont quelquefois, en même temps que par âges, divisées par générations. La génération qui, à l’intérieur du clan et de la famille donne le principe même de l’autorité et de la classification des individus, coïncide moins que

  1. Nous avons déjà indiqué ailleurs ce que nous résumons ici. (Voir « La cohésion sociale dans les sociétés polysegmentaires », Procès-verbaux de l’institut français de sociologie, 1931.)