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chap. 3e.
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AMENDEMENS PAR LE MÉLANGE DES TERRES.

anglaise : dans quelques cantons même du Norfolk, on la préfère à la marne ; il est cependant à croire que cette préférence a lieu pour des sols anciennement marnés et où une nouvelle addition de marne est inutile, comme il s’en rencontre beaucoup dans le Norfolk, où le marnage est ancien. D’ailleurs, fréquemment on prend l’une pour l’autre ; dans les pays surtout où l’on emploie la marne pierreuse, la marne terreuse grise est employée, comme dans le Holstein, sous le nom de glaise, ce qui peut donner lieu à d’assez graves erreurs. Cependant l’argile elle-même est fécondante lorsqu’on la met sur des terrains légers.

Thaër dit qu’on ne peut attendre une action véritablement améliorante de l’argile ou de la glaise qu’autant qu’elles ont été exposées pendant plusieurs années aux influences de l’atmosphère ; telles sont les argiles qui ont servi à construire des tranchées, des murs ou des digues, surtout dans le voisinage des habitations ou des cours rustiques ; la glaise se divise alors plus facilement, et se mêle mieux avec le sol. — Le même savant dit que lorsqu’on transporte du sable sur un terrain argileux, ou de la terre argileuse sur un sol léger ou calcaire, il faut, pour en opérer le mélange, labourer fréquemment, d’abord aussi superficiellement que cela est possible, et ensuite peu-à-peu plus profondément ; puis herser, passer le rouleau, et quelquefois briser les mottes avec des maillets. Toutes ces opérations, qui ne peuvent bien réussir qu’au moment où l’argile a atteint le degré de siccité pendant lequel les mottes peuvent être divisées et brisées par les instrumens, ne se font pas sans de grands frais.

M. le baron de Morogues recommande pour l’amendement des terres sableuses, outre le fumier gras et la marne argileuse, le limon des fossés et les décombres des bâtimens construits en torchis : ces amendemens conviendraient aussi sans doute très-bien aux terres calcaires.

Pour les terres argileuses, outre l’usage des amendemens calcaires, on a obtenu dans beaucoup de cas les meilleurs résultats de l’emploi des fumiers chauds et pailleux. Le savant que nous venons de citer recommande particulièrement les fumiers composés de joncs, de bruyères, de fougères ou de genêts, lorsque, ayant servi de litières, ils ne sont qu’à demi consommés. Il en sera question dans le chap. des Engrais.

M. Oscar Leclerc-Thouin nous a fait part de plusieurs faits intéressans relatifs au mélange des terres.

Le roc (schiste argileux) des environs de Chalonnes-sur-Loire est employé habituellement et en quantité considérable pour l’amendement des vignes. (Voir ci-dessus, page 27.) Ce schiste n’est pas toujours de même nature : tantôt, par sa dureté, il se rapproche un peu de la nature de l’ardoise, et prend dans le pays le nom de roc ardoisé ; alors sa décomposition est moins rapide. Dans l’Anjou, les personnes jalouses de faire de bon vin préfèrent de beaucoup l’usage du schiste argileux à celui du fumier. — Le schiste dont il s’agit se trouve presque partout en sous-sol à une faible profondeur ; une fois la première entaille faite, il se bêche assez facilement. On le transporte dans les vignes, au moyen de chevaux, au prix de 2 à 3 sous la charge, selon la distance, ou, lorsque cette dernière est peu considérable, dans des hottes portées par des enfans qu’on paie de 12 à 15 et 20 sous, selon leur âge, leur force et la capacité de leur hotte. Le roc a le double avantage de diviser les terres trop tenaces, et, comme on peut l’employer en fortes proportions, d’augmenter la profondeur de la couche végétale. Notre savant collaborateur s’est parfaitement trouvé de faire couvrir un sol peu profond, planté en arbres, de 8 à 10 po. de cette même roche argileuse. À la vérité, ce qui est possible dans la petite culture ne le serait pas dans la grande.

Dans les sols siliceux, les terres qui font la base des divers composts, celles qu’on mêle à la chaux, etc., doivent être argileuses. — Les boues argileuses qu’on retire des fossés, des mares, etc., sont à la fois de bons engrais et d’excellens amendemens pour ces mêmes terres.

L’utilité du sable, des graviers, des cailloux, dans certains sols, est si réelle, que A. Thouin cite ce singulier jugement qui condamna, à Rouen, un ingénieur du gouvernement à reporter sur un champ une grande quantité de cailloux de diverses grosseurs qu’il en avait extraits pour les employer à ferrer une route voisine. — En effet, dans les terres fortes, la présence en suffisante quantité de petits fragmens quartzeux est un indice certain de fécondité.

Pour améliorer le sol rude et tenace de certains jardins, on fait venir, à raison de 3 à 4 sous la charge de cheval, des sables d’alluvion qui servent à la fois d’engrais et d’amendement. Cette pratique est fort ordinaire sur divers points du littoral de la Loire, pour la petite culture.

Les métayers de l’ouest faisaient il y a une 15e d’années et font encore un emploi considérable des terres légères pour amender leurs champs. On a payé ces terres jusqu’à 6 et 7 fr. la charretée, et on venait les chercher à de fort grandes distances par des chemins difficiles. Maintenant l’usage en est moins général, on va les chercher moins loin ; mais le mélange des terres est toujours en faveur, et c’est sur la propriété même qu’on les prend pour en faire des composts dans lesquels entre la chaux.

« Dans certains endroits du Vicentin, dit Phippore, lorsque les terres sont trop fortes, on y mêle du sable pour les rendre plus légères ; dans les environs de Reggio, ceux qui soignent le mieux leurs plantations, et qui veulent en assurer le résultat, mettent du sable au pied des jeunes arbres plantés dans des terrains, forts, principalement au pied des vignes. Ces terrains, devenus ainsi plus légers, se crevassent moins en été, et les plantes se trouvent garanties de la sécheresse de la saison. »

L’utilité de cette sorte d’amendement a été constatée dans l’Agogna, par une expérience curieuse que le docteur Biroli, professeur d’agriculture à Novare, rapporte : « Dans cette partie de la vallée du Ticin, on trouve des rizières à fond marécageux et excessivement

AGRICULTURE
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