Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
chap. 5e.
157
CALCULS QUI DOIVENT PRÉCÉDER LES OPERATIONS AGRICOLES.

Les plantes cultivées ou non, qui croissent dans les salans, donnent des produits moins abondans, mais de bien meilleure qualité que ceux des autres natures de terrains. Les animaux qui s’y nourrissent (tels que les moutons de prés salés) y sont de bien meilleur goût, la race ovine n’y est pas sujette à la pourriture, elle est plus robuste, sa laine est plus nerveuse.

Je devrais peut-être parler ici de la culture de quelques plantes particulières aux terrains salés, les Salicornia, les Salsola, etc. ; mais la valeur de ces produits est descendue si bas depuis qu’on fabrique de la soude avec le sel marin, qu’on ne peut conseiller de les ensemencer, quoique ce soit le genre de plante qui s’accommode le mieux de la salure du sol.

Nous avons déjà parlé du tamarix ; on ne saurait trop multiplier les arbres de cette espèce ; ils amendent peu-à-peu le sol, donnent un combustible d’autant plus précieux que ce sont les seuls qui y croissent, et leurs cendres contiennent une telle quantité de sulfate de soude et autres sels, qu’on les lessiverait avec avantage si l’on en brûlait une assez grande quantité. D’ailleurs, il suffit, pour avoir un tamarin, d’enfoncer en terre, en temps opportun, une cheville de ce bois.

Les parties indesséchables peuvent devenir de bonnes pêcheries si on leur a ménagé une communication facile avec un fleuve ou avec la mer. Dans le premier cas, elles sont en même temps converties en excellentes roselières, dans le second on pourrait essayer avec profit d’y nourrir des huîtres et autres testacés. Mais il serait plus profitable d’y faire des salines si la nature du sol le comportait et si l’on avait un débouché assuré pour le sel.

Il a été question dans le chap. des amendemens des tangues ou alluvions des bords de la mer (Tome 1er, page 76). On a vu que sur les côtes de l’ouest, ou il y a beaucoup de lais de mer de cette nature, elles sont d’une prodigieuse fertilité, et qu’on transporte avec succès cette substance pour l’amendement des terres voisines

Conclusion.

J’ai dû abréger ce chapitre, parce que le temps et l’espace me manquaient. Il n’est pas de paragraphe qui n’eût comporté de plus longs développemens, et cependant j’ai omis plusieurs objets importans qui eussent pu faire la matière d’autres paragraphes : tels que les précautions sanitaires à prendre pendant et après l’opération du desséchement ; la manière d’attirer la population nécessaire à la culture des terrains desséchés ; la division en fermes, la colonisation, l’amodiation, et enfin les ventes pour réaliser des bénéfices. La plupart de ces sujets seront traités dans le livre consacré à l’Administration rurale.

Je crois cependant m’être assez étendu pour engager les bons esprits à étudier à fond cette matière, et pour montrer aux personnes prévenues contre les travaux de desséchement, qu’il est peu d’entreprises présentant autant de chances de succès à ceux qui savent les diriger convenablement, puisqu’il n’est point de terrain submergé, si mauvais qu’il soit, desséchable ou non, dont l’industrie éclairée d’un habile entrepreneur ne puisse tirer des produits importans ; encore n’ai-je fouillé qu’avec réserve dans mes notes, et surtout dans celles que j’ai recueillies pour le Voyage en Hollande que je me propose de publier. Baron de Rivière.

Section v. — Des calculs qui doivent précéder les opérations agricoles.

Quelle que soit l’étendue des opérations auxquelles on se livre pour améliorer l’état des terres et les rendre cultivables, qu’on les limite à des portions restreintes de ses propriétés, ou qu’on en fasse l’objet de vastes entreprises, il est très-essentiel, avant de s’y engager, d’en calculer approximativement les résultats, afin de constater d’abord si l’opération sera définitivement profitable, et ensuite de s’assurer de la somme nécessaire pour la mener à bonne fin.

D’accord en cela avec la marche tracée par la loi du 16 septembre 1807, qui régit cette matière pour les entreprises faites sur les terrains qui sont la propriété d’autrui, nous dirons que la première chose à faire est de fixer exactement la valeur du sol avant l’opération : la cote des contributions, l’estimation cadastrale, l’enquête faite auprès des habitans du lieu, l’examen du sol et de ses produits, permettront d’assigner sa véritable valeur à chaque parcelle dont l’état doit être modifié par suite de l’opération projetée.

Lorsqu’on n’est pas propriétaire et maître du terrain, cette estimation primitive, base des opérations, doit être rendue publique avec le plan parcellaire et les projets d’exécution, afin d’être contrôlée et contestée, s’il y a lieu, par les intéressés, et enfin arrêtée après cet examen par des experts. Dans le cas contraire elle n’est pas moins indispensable, puisque c’est elle qui doit décider l’exécution ou l’abandon de l’entreprise.

Le 2e point à considérer est le montant des dépenses de l’opération, ce qui suppose l’exacte connaissance des travaux à exécuter, et par conséquent un plan préliminaire bien arrêté et un devis détaillé de ces travaux. Il a déjà été dit que, relativement aux travaux d’art, il est le plus souvent nécessaire, pour ces plans et devis, comme pour la surveillance de l’exécution, d’avoir recours aux ingénieurs et architectes. Presque tous les autres travaux se résolvent en main d’œuvre, qu’il est assez facile de calculer à l’avance. Ainsi, lorsqu’on a déterminé si un défrichement s’opérera à bras d’hommes ou à la charrue, et qu’on s’est bien rendu compte des obstacles ; lorsque dans un écobuage on a fixé l’épaisseur des couches de gazon à enlever, la forme des fours à incinérer, etc. ; quand, pour un endiguement ou un desséchement, on sait quels canaux, quels fossés ouverts ou couverts, quels sondages il faut ouvrir, ou bien à quelle élévation, à quelle distance il faut conduire les eaux affluentes ou surabondantes, etc., on doit, avant de mettre la main à l’œuvre, réduire toutes ces opérations en journées de travail, et, d’après le prix de