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liv. ier.
AGRICULTURE : AMENDEMENS.

les prairies artificielles ; c’est l’amendement pour lequel les Flamands font les plus fortes dépenses. Ils les emploient aussi pour les récoltes de printemps, et particulièrement pour les graines légumineuses ; mais alors la dose employée n’est guère que de moitié. Elles se mettent sur les récoltes de printemps au moment de la semaille, et sur les trèfles, prairies et pâtures, dès le mois de février ; plus tard dans la saison, on craindrait que leurs principes solubles ne vinssent à agir trop activement sur le sol, si avant les chaleurs elles n’avaient pas subi les pluies de printemps. L’usage de ces cendres donne le moyen d’avoir des prairies productives sans fumier et sans arrosemens ; il suffit de les y répandre tous les quatre ans.

Le départ. de l’Aisne[1] et les départ. environnans en font aussi un grand usage ; on les y a cherchées avec soin, et l’on en a trouvé dans un grand nombre de lieux. Sur presque tous les points d’un plateau de 50 lieues carrées au moins, coupé par des bassins de petites rivières, les cendres de ces diverses extractions présentent entre elles beaucoup d’analogie, en sorte qu’elles peuvent être considérées comme un seul et même dépôt fait à la même époque. Celles de La Fère sont dans les bois dont le sol, comme celui du reste du plateau, appartient à la formation argilo-siliceuse humide ; cette formation se rencontrant dans presque tous les départemens de France, il est à espérer que la France du nord ne sera pas seule à posséder ce puissant amendement, et on pourra toujours le reconnaître à sa couleur, à ses caractères extérieurs et à son inflammation spontanée ou déterminée par une petite quantité de combustible, après quelque temps d’exposition à l’air.

Dans les lieux où on avait les cendres pyriteuses à sa disposition, on en a souvent abusé ; il est des parties de sol sur lesquelles de nouvelles doses ne produisent plus aucun effet ; on dit le sol épuisé ; nous pensons plutôt qu’il n’a pas consommé tous les principes salins et calcaires qui lui ont été donnés, et que pour cette raison de nouvelles doses ne produisent aucun effet. Les cendres pyriteuses sont comme les amendemens calcaires ; la chaux ne produit aucun effet sur les sols qui la contiennent, et les cendres pyriteuses cessent d’en produire, lorsque le sol contient déjà les principes qu’elles renferment. Toutefois la fécondité qu’elles avaient apportée a disparu ; nous pensons que c’est parce qu’on n’a point donné au sol une quantité de fumier proportionnée au produit ; on a trop exigé de lui. Le cas enfin est le même qu’à la suite de l’abus des amendemens calcaires ; le remède serait donc le même : alterner l’emploi des cendres avec des engrais abondans, ou plutôt faire des composts avec le fumier, le terreau et les cendres ; donner, au besoin, au sol un labour profond qui, par le mélange d’une terre neuve avec la couche labourable, diminuera la proportion des cendres dans le sol.

Les Flamands qui emploient ces cendres sur les prairies artificielles sont loin de s’en plaindre ; pour leurs terres labourables, ils les mettent en compost avec la chaux et ne les emploient que tous les quatre ans sur leurs prairies et pâtures. La culture flamande peut donc encore, sur ce point, servir de modèle à celle de leurs voisins.

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§ iv. — Engrais de mer, sable, vase ou limon de mer ; tangue, cendres de Varech.

Tous ces divers amendemens que la mer offre à ses riverains sont à la fois calcaires et salins ; leur effet est grand, mais ne se produit pas sur toutes les nuances de terrain. Ces amendemens stimulans n’agissent pas, selon nous, sur les laisses de mer, ni sur les sols qui lui doivent leur formation depuis les temps modernes, mais principalement sur les sols argilo-siliceux.

Lorsque l’engrais de mer est sablonneux, il est aussi actif, mais n’est point aussi profitable que lorsqu’il est vaseux, et qu’il contient des substances animales et végétales en décomposition ; dans ce dernier état, c’est une espèce de compost de sable calcaire, de coquillages, d’herbes marines et de sel ; c’est alors l’un des engrais les plus fécondans que l’agriculture connaisse.

L’engrais de mer est en usage en Angleterre comme en France ; dans beaucoup de pays, on comprend sous ce nom les Varechs ou Goémon (Fucus) et autres plantes marines. Ce n’est pas ici le lieu de traiter de cet engrais végétal, mais la vase de mer s’emploie presque aussi souvent que les plantes marines ; son emploi cependant ne peut pas s’étendre aussi loin dans les terres, parce qu’elle nécessite beaucoup plus de transport. Un meilleur état des chemins vicinaux faciliterait et étendrait beaucoup l’emploi de ce puissant moyen d’amélioration, d’autant mieux que, dans l’intérieur des terres, l’étendue du sol auquel il convient est relativement beaucoup plus grande.

En Angleterre, on l’emploie volontiers en top-dressing ou engrais sur la surface, pour les grains d’hiver et les herbages au printemps ; on remarque que le froment, l’avoine et l’orge, auxquels on a donné cet amendement, sont moins sujets à la carie. Dans le Cheshire, la vase marine qu’on tire des marais salans est regardée comme le meilleur de tous les engrais ; on lui trouve l’activité de la marne et la graisse du fumier ; on en fait ordinairement des composts au printemps avec du fumier qu’on mélange, à plusieurs reprises dans la saison, pour les employer au moment de la semaille du froment. Cet amendement est très-recherché du côté d’Avranches, dans la Manche ; on l’y préfère à la chaux et à la marne. Avec des composts faits avec douze à quinze voitures de tangue ou vase de mer par hectare, qu’on mêle avec un quart de plus de fumier ou une quantité proportionnée de terreau, on forme un excellent engrais qui se fait sentir au

  1. Dans ce département, 70 cendrières en pleine exploitation ont produit, pendant le 4e trimestre de 1833, 800,000 hectolitres de cendres noires, qui ont été livres aux usines ou à l’agriculture, pour une somme de 400,000 francs.