Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, I.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
chap. 5e.
153
desséchement des marais.

tre des végétaux aquatiques, ne fut-ce que du cresson, les entourer d’arbres, et, s’il est impossible d’en tirer un parti plus utile, tâcher d’en faire une pièce d’eau d’agrément.

Il est inutile que j’observe ici que les cultures devront être modifiées dans les divers cas selon la nature des alluvions, argileuses, calcaires, siliceuses ou mixtes, sur lesquelles on opère.

B. Alluvions des fleuves et rivières à pente douce.

L’endiguement des fleuves et rivières à pente douce donne des terrains presque toujours très-fertiles. Leur traitement, quand le dessèchement a été complet, est trop connu pour que j’en parle ici. Je me bornerai à recommander de conserver à ces terrains, surtout dans les pays chauds, les moyens d’irrigation que les pentes peuvent fournir.

Lorsqu’après les travaux de desséchement on est encore exposé à des inondations accidentelles, le parti le plus sage c’est de faire en sorte que ces inondations enrichissent le sol au lieu de l’appauvrir, et pour cela de ralentir autant qu’on le peut par des haies transversales, des palissades et des plantations, le cours des eaux submergeantes, tout en adoptant un système de rigoles d’écoulement assez bien combiné pour qu’après l’inondation l’eau s’écoule le plus tôt possible. Les cultures qui conviennent le mieux dans cette circonstance sont celles qui craignent le moins ces accidens et celles dont les produits sont récoltés avant les crues.

On trouve en général plus commode et plus souvent avantageux de disposer les terrains de cette nature pour le pâturage du gros bétail. Il y aurait danger à y conduire les bêtes à laines.

Les fonds de cuve et les terrains indesséchables qui restent quelquefois après les opérations de desséchement, ne peuvent guère être employés qu’à des pêcheries, s’ils ont beaucoup de profondeur ; s’ils en ont peu, une végétation abondante et très-profitable peut s’y établir.

Les terrains à moitié desséchés peuvent devenir, selon le plus ou moins long séjour des eaux, des terres susceptibles d’être cultivées en céréales de printemps, en légumes, en plantes textiles, ou de toute autre manière, sinon être laissées, à l’état de pré marécageux ou de roselières, genre de propriété trop peu connu et sur lequel voici quelques détails.

Il existe dans le Midi et notamment à Bellegarde, département du Gard, de ces roselières, c’est-à-dire des espèces de prés palustres où domine le roseau (Arundo phragmites), et souvent une autre espèce (Arundo egyptiaca) dont la coupe annuelle se vend jusqu’à 150 fr. et 200 fr. par hectare, sans autres frais pour le propriétaire que la mise aux enchères. Ce sont des plaines fertiles inondées en hiver par l’eau du Rhône, et convenablement arrosées par submersion au printemps. Ces roseaux fournissent tout à la fois la nourriture et la litière aux mulets et aux chevaux qui labourent les beaux vignobles des environs. Cette nourriture suffit, avec une médiocre quantité d’avoine, pour maintenir en bon état, durant les pénibles travaux de l’hiver, ces bêtes de labour. L’on a reconnu qu’avec ce régime ces animaux se portent toujours bien, malgré les rudes fatigues qu’on en exige. Cette nourriture est la plus saine, sinon la plus substantielle, qu’on connaisse.

II. Sols goutteux, étangs et marais proprement dits.
A. Sols goutteux.

Les sols goutteux ne peuvent être complètement assainis qu’autant que, par une tranchée creusée à l’entour jusqu’à la couche imperméable, on s’est emparé de toutes les eaux qui, des coteaux environnans, viennent former une sorte de lac entre deux terres, et dont le siphonnement fatigue la végétation des terrains qui le subissent.

Quand cette opération a complètement réussi, ces terrains rentrent dans la catégorie des sols superposés à une couche argileuse plus ou moins rapprochée de la surface, nous n’avons pas à nous en occuper spécialement ici. Mais, quand elle a échoué, on peut couper la surface goutteuse par des fossés parallèles très-rapprochés, pour planter sur le talus des aunes ou des saules qui réussissent fort bien, et, dans les espaces intermédiaires, des peupliers, des ormes, des bouleaux, etc. On se procure ainsi en peu de temps un revenu avantageux, et on change un sol nu et fangeux en un riant bosquet. L’aune et le saule se coupent tous les 4 ans, au rez de terre, et donnent une grande quantité de bourrées, de barres, etc. Les fossés doivent être dirigés dans le sens de la pente pour mieux égoutter, et pour qu’en réunissant les suintemens on puisse en former un réservoir d’eau, et, s’il y en a suffisamment, un étang. D’autres préfèrent pratiquer des tranchées, qu’on remplit de gravier ou de fascines, et qu’on couvre de terre, pour que le sol ne reste pas dépecé en lanières.

Parmi les terrains goutteux, les plus ingrats sont ceux que M. Bosc appelle uligineux ; ils sont tout à la fois goutteux et tourbeux ; ce qui en a été dit (Tome 1er, page 37) nous dispense de nous en occuper ici.

Nous renvoyons ce qui concerne les étangs proprement dits à l’article qui les concerne. Nous nous bornerons à observer que ceux qui sont alternativement cultivés pendant 2 ou 3 ans consécutifs, submergés ensuite, et empoissonnés pendant un pareil nombre d’années, donnent un excellent revenu, mais qu’on ne peut pas toujours réunir les conditions nécessaires pour adopter cette espèce d’assolement, un des plus avantageux qu’on connaisse.

Les étangs, s’ils n’ont pas une grande profondeur, peuvent nourrir plusieurs espèces de végétaux d’un bon produit, tels que le roseau dont nous avons déjà parlé ; le Scirpus lacustris, qui fournit pendant sa végétation une abondante litière, et dont les racines après le dessèchement, présentent aux cochons une nourriture tellement attrayante pour eux que ceux qui les gardent ont bien de la peine à les empêcher de s’échapper