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chap. 2e.
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Sols tourbeux.

fait, dis-je, est démontré par toutes les expériences connues.

I. Terrains tourbeux. — Ils ont un aspect qui dénote au premier coup-d’œil leur origine. On reconnaît facilement dans leur masse les détritus diversement agglomérés des végétaux qui les ont produits. — Ils sont spongieux et élastiques. — En se desséchant, ils perdent la majeure partie de leur poids. — Leur couleur est d’un brun noirâtre. — Ils s’échauffent cependant et se refroidissent avec une égale lenteur, de sorte qu’on pourrait encore les reconnaître en été à leur fraîcheur ; en hiver, à une température plus élevée que celle des terres d’une autre nature.

Il n’est pas toujours avantageux de transformer les tourbières en terres labourables ; car, partout où le bois a une grande valeur, la tourbe peut, jusqu’à un certain point, le suppléer, et la mise en culture de ces sortes de sols n’est rien moins que facile. Cependant, dans certaines circonstances, on peut trouver profitable de la tenter, ainsi que l’atteste la pratique des habitans des moors hollandais, et des peat-mosses de diverses parties des îles Britanniques.

Après un dessèchement préalable, indispensable dans tous les cas, sur quelques points de l’Écosse, on recouvre à grands frais les tourbières de terre végétale. — Quelques pouces de sable ou de graviers, de calcaires coquilliers, de vase de mer, et principalement d’argile, ont transformé des tourbières improductives en terrains d’un très-bon rapport.

D’autres fois on brûle le plus complètement possible toutes les herbes qui recouvrent la surface du terrain. — On donne ensuite un premier labour destiné à détruire les racines de celles qui repoussent avec une grande facilité, telles que les Eriophorum, les Nardus, etc., etc. — On les réunit en tas avec la tourbe soulevée par la charrue ; on les brûle quand elles sont suffisamment desséchées, et on en répand également les cendres. — Cette opération terminée, après un second labour, on transporte sur le sol une quantité de marne, qui n’est pas moindre de 200 yards cubes par acre (l’yard cube correspond à 0m7645 cubes ; l’acre anglaise à 40a,467). — Puis quand elle a été répandue en temps opportun, on ajoute une quantité raisonnable d’engrais. Une tourbière ainsi amendée peut produire dès la première année, non seulement une récolte de pommes-de-terre, de navets, etc., mais de toute espèce de blés.

Le meilleur moyen d’entretenir ensuite sa fertilité, est de continuer l’emploi des calcaires, et de donner de loin à loin quelques fumures. — On contribue mécaniquement au même but en faisant passer à la surface du sol, afin de diminuer sa porosité trop grande, un rouleau de pesanteur moyenne, autant de fois que le comportent l’état des cultures et les frais de main-d’œuvre. — Nous donnons, d’après Loudon, l’idée d’un rouleau triple de bois (fig. 27), fort convenable pour cette destination.

Les tourbières, simplement égouttées jusqu’à une certaine profondeur, se couvrent spontanément d’une foule d’herbes, en général d’une assez mauvaise nature pour les bestiaux, qui produisent cependant des pâturages recherchés, parce que leur végétation tardive au printemps, se prolonge pendant une grande partie de l’hiver.

Sans autres frais que quelques écobuages et l’emploi de la chaux, j’ai vu de pareils terrains quintupler de valeur. Sous l’influence de ce double stimulant, les plantes marécageuses disparaissent successivement et font place d’autant plus sûrement et plus promptement à des herbages d’une excellente qualité, qu’on répand au hasard à la surface du sol quelques boisseaux de graines ramassées pêle-mêle avec la poussière d’un grenier à bon foin.

De tous les végétaux, les arbres sont les derniers à prospérer dans les tourbières. — M.  le comte d’Ourches rapporte qu’il a vu en Souabe, près de Memmingen, dans une plaine à surface tourbeuse, des houblonnières d’une beauté remarquable, et qu’il a depuis obtenu en France, sur des terrains analogues desséchés par d’étroites saignées, des houblons magnifiques, des plantes oléagineuses d’un grand produit, et des asperges d’un volume considérable. Sans doute, il a voulu parler de tourbières déjà améliorées par une culture préalable.

II. Terrains uligineux. — Les sols auxquels Bosc a donné ce nom ont de l’analogie avec les tourbes proprement dites et avec les simples marais, quoiqu’ils diffèrent essentiellement des uns et des autres. « Un terrain en pente (fig. 28) et inférieur à des sommets susceptibles de laisser facilement infiltrer les eaux des pluies, est toujours uligineux, lorsqu’il est formé d’un banc d’argile ou de marne très-argileuse, surmonté d’une couche de terre tourbeuse au plus d’un pied d’épaisseur, lorsque l’eau qui le rend marécageux est celle de la