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liv. ier.
AGRICULTURE : OPERATIONS AGRICOLES.

Tamarix, l’africana est préférable dans les climats chauds, le gallica dans les climats tempérés, et le germanica dans les climats froids.

Je n’ai rien dit non plus de la culture du roseau à quenouille (Arundo donax), qui réussit très-bien dans les sables, sert à les fixer, et peut être utilement employé à faire des paniers très-solides, des canisses à vers à soie, des castellets de pêcheurs, etc.

Sur les bords du canal de Beaucaire on a planté, il y a peu d’années, des mûriers qui ont très-bien réussi. On y sème de la luzerne. On eût pu y cultiver avec profit les espèces de vigne qui sont propres à produire le vin de chaudière, ou introduire toute autre culture appropriée au sol.

On sent, par tout ce qui précède, qu’il faudrait des circonstances bien défavorables pour que les frais d’entretien des digues et des canaux ne fussent pas couverts par une bonne administration de leurs produits. La plupart du temps, si l’on sait en tirer parti, ils donneront un excédant imputable sur l’intérêt de l’argent qu’on y aura dépensé.

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§ ii. — Emploi du sol après le dessèchement.
Observation préliminaire.

L’usage qu’on fera du terrain desséché dépendra, comme dans toutes les autres exploitations, du climat, du sol, des ouvriers qu’on pourra employer, des débouchés, etc. Nous n’entrerons dans aucun détail à cet égard, afin d’éviter des répétitions ; nous ne parlerons que des opérations spéciales et des modifications aux règles générales qu’exige ou que comporte l’état particulier de ces terrains.

Pour mettre de l’ordre dans nos idées, nous diviserons les sols desséchés en trois classes : 1o sols endigués contre les torrens, rivières ou fleuves ; 2o sols goutteux, étangs et marais d’eau douce ; 3o lais et relais de la mer. Dans chacune de ces classes nous considérerons : 1o les terrains complètement desséchés ; 2o ceux qui ne le sont qu’imparfaitement ; 3o enfin, ceux qui sont tout-à-fait abandonnés aux eaux.

I. Sol garanti des crues de torrens, rivières et fleuves.
A. Lits de torrens et de rivières torrentielles endigués.

Les torrens et les rivières qui en ont l’impétuosité ne laissent guère sur leur passage, dans les premières parties de leur route, que d’énormes cailloux et des blocs de rochers. Il est rare alors qu’on puisse les endiguer avec avantage ; mais lorsque, parvenus dans de larges vallées, ils ne déposent plus que des galets, du gravier et du sable, il peut être très-profitable de conquérir sur leur lit tout ce qui n’est pas indispensable pour contenir les fortes eaux.

Cependant, cette conquête une fois réalisée par un bon système d’endiguement, on se trouverait souvent n’avoir acquis qu’une plaine stérile, si le torrent lui-même ne fournissait le moyen de fertiliser le sol qu’on lui a ravi. Il suffit pour cela de pratiquer, le long de la digue, des déversoirs disposés de telle sorte que les eaux de submersion n’arrivent qu’à reculons sur la plaine endiguée. Ce n’est plus du sable et du gravier qu’elles apportent alors, mais du limon. Ce résultat est d’autant plus assuré, que l’opération a été mieux combinée. Le moyen le plus sûr de l’obtenir est de construire, immédiatement en aval de chaque déversoir, une petite digue qui traverse la grève perpendiculairement au cours du torrent, de manière qu’elle retienne l’inondation, afin que, au lieu de dévaster le sol, elle forme autant de bassins à eau dormante qu’il y a d’intervalles entre deux digues. À chaque crue tous les bassins sont submergés, mais nullement engravés, le sable et le gravier restent dans le lit du torrent.

Souvent les eaux torrentielles n’arrivent pas assez fréquemment dans ces bassins pour produire un effet utile ; alors il convient de recourir au terrement (warping des Anglais), si on le peut sans trop de frais. Cette opération, peu connue en France, mais usitée dans quelques cantons de l’Allemagne, de l’Angleterre et de l’Italie, consiste à diriger un cours d’eau rapide sur le sol qu’on veut amender ainsi, et à faire charrier par cette eau la terre qu’on y jette à force de bras. (Voir ci-devant, pag. 132)

Si par l’un ou l’autre de ces procédés l’on parvient à créer un sol susceptible de cultures régulières, cette grève se trouve assimilable aux terres ordinaires analogues : nous n’en parlerons pas. Mais si on ne peut rien faire de semblable, on sera obligé de se contenter de la végétation qui convient aux sols de cailloux : la vigne, le mûrier, l’olivier, le figuier dans les contrées méridionales ; quelques autres espèces d’arbres fruitiers dans des climats moins heureux, et par tout pays des arbres forestiers de diverses espèces.

Il arrive souvent que l’endiguement n’est pas tellement complet, que le terrain ne soit sujet à être submergé accidentellement. Dans ce cas, il faudrait n’y cultiver que les espèces d’arbres qui ne craignent pas de pareils accidens, le bouleau, le frêne, l’orme, le chêne, etc.

Si ce terrain est trop fréquemment inondé, soit par l’imperfection des travaux, soit par l’adoption d’un des systèmes d’attérissement dont nous avons parlé tout-à-l’heure ; en attendant qu’on puisse y introduire des cultures ordinaires, il faudra le couvrir de peupliers de diverses espèces, de saules, d’aunes, de trembles, etc., qui, réussissant par boutures, coûtent très-peu de plantation, retiennent les eaux les font déposer, et augmentent, par la chute annuelle de leurs feuilles, la couche de bonne terre végétale. Leur rapide végétation permet d’ailleurs des coupes très-fréquentes et très-lucratives.

Quelquefois, l’endiguement fait, il se trouve des fonds de cuve qui, par les infiltrations affluentes ou par toute autre cause, se remplissent d’eau et ne peuvent être desséchées ; si l’on désespère de parvenir à les attérir ou si l’opération parait trop dispendieuse, il faudra faire de ces fonds de cuve des réservoirs pour le poisson, y faire croi-