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liv. ier.
AGRICULTURE : OPERATIONS AGRICOLES.

que des moulins à vent qui mettent en mouvement des roues à pot ou des vis d’Archimède, placées quelquefois à divers étages superposés pour atteindre le niveau du seuil que les eaux doivent franchir pour trouver leur écoulement.

Aujourd’hui, on emploie même à un but si important la force motrice des machines à vapeur. Pour élever les eaux, ces machines à vapeur mettent en action des roues d’un grand diamètre pourvues d’aubes qui prennent l’eau dans le niveau à dessécher et la font monter et déverser au-dessus du niveau du seuil qu’il faut franchir.

Il est digne d’un gouvernement de s’occuper de tels travaux pour assainir et vivifier des contrées entières, et la Hollande présente des exemples de ces moyens d’amélioration, non moins admirables par la grandeur de leur conception et la perfection de leur exécution, que par l’étendue des avantages et même des bénéfices qui en résultent, malgré les dépenses qu’ils exigent.

Nous avons vu sur les lieux mêmes, et notamment près le beau canal d’Amsterdam au Helder, qui reçoit des vaisseaux de ligne, de vastes lacs convertis ainsi en beaux pâturages, et nous citerons entre autres le lac Burmster dont la superficie était d’environ 10,000 hectares et dont le fond était de 5 mètres au-dessous de la basse mer.

Du reste, ces grands travaux nécessitent des capitaux et des connaissances que nous ne devons pas supposer aux propriétaires et aux cultivateurs auxquels nous parlons, et par cette raison nous n’entrerons pas à cet égard dans plus de détails. Lorsque ces vastes et belles entreprises ne sont pas exécutées par le gouvernement, elles doivent l’être par de puissantes compagnies de capitalistes, qui s’adressent à des ingénieurs habiles pour dresser les plans et projets et diriger l’exécution des travaux jusqu’à leur perfection ; pour ces entreprises, souvent longues et fort dispendieuses, il faut ordinairement le concours d’un grand nombre de propriétaires, et lorsqu’on ne peut l’obtenir amiablement, il faut se prévaloir des dispositions de la loi du 16 septembre 1807, qui règle le mode d’exécution des travaux, celui d’acquittement des indemnités dues, et des expropriations dans le cas où elles sont indispensables. On voit encore que ces spéculations sortent du domaine de l’agriculture. Quoi qu’il en soit, lorsque les travaux de dessèchement sont achevés et les terrains rendus cultivables, une nouvelle série de travaux véritablement agricoles commence, et nous devrons par ce motif nous y arrêter ; ce sera l’objet de l’art. iii.

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§ ier. — Desséchements par remblaiement et par colmates.

Il est un moyen d’assainissement applicable à certaines localités et auquel on donne généralement la dénomination de colmate.

Avant de nous en occuper plus particulièrement, nous ferons observer que quelquefois certaines localités indiquent comme moyen d’assainissement le remblaiement du sol par des terres rapportées, qu’on répand sur la surface en quantité et jusqu’à une hauteur telles que le dessus du remblai soit suffisamment élevé pour l’écoulement des eaux pluviales, et supérieur aux eaux courantes qui peuvent le traverser. Ce moyen, toujours très-dispendieux, est souvent impraticable, soit par la grande étendue du sol marécageux, soit par le manque de terres nécessaires pour le comblement : nous l’avons cependant vu employé, en grand et avec succès, à Lyon, près du confluent du Rhône et de la Saône, sur l’emplacement où l’on établit actuellement le beau quartier Perrache.

Le moyen connu plus particulièrement sous la dénomination de colmates, consiste à diriger des eaux troubles dans les fonds où elles peuvent déposer, au moyen de dispositions convenables, les terres qu’elles tiennent en dissolution. Il est très-répandu en Italie, où l’on s’en est servi depuis long-temps, et où l’on continue d’en faire usage avec beaucoup d’avantage et de profit. Plusieurs auteurs estimés ont donné des préceptes généraux sur la méthode des colmates[1], et nous renvoyons à leurs ouvrages, car il serait difficile d’analyser ce qu’ils ont dit sur cette matière.

Nous nous bornerons à observer que le succès de l’emploi de la méthode des colmates tient principalement à la promptitude avec laquelle on expulse, du terrain qu’on se propose d’exhausser par alluvion, les eaux limoneuses qui y ont été introduites, lorsque ces eaux, ayant déposé leur limon, sont devenues claires ; c’est par la rapidité de cet écoulement qu’on se procure le double avantage et de renouveler le plus souvent qu’il est possible, pendant un temps donné, les eaux troubles sur la surface du sol à colmater, et de réduire à rien ou à très-peu de chose le mélange de ces eaux troubles avec les eaux déjà clarifiées.

Il est donc manifeste que l’établissement d’un système de colmates suppose l’établissement préliminaire d’un système d’écoulement, et que la réussite du premier dépend absolument de la perfection du second ; bien entendu que les eaux destinées à former les alluvions satisfont encore à d’autres conditions indispensables.

D’un autre côté, on concevra aisément, avec quelques réflexions, que, lorsqu’un système d’écoulement est établi conformément aux principes exposés ci-dessus, rien n’est plus aisé, si on le juge convenable, que de s’en servir pour faire des colmates, soit sur la surface entière du sol à bonifier, soit sur quelques parties de cette surface, l’introduction et l’expulsion des eaux troubles n’exigeant que la construction de quelques ouvrages faciles et bien connus, qu’on exécute sans rien changer d’ailleurs au système des canaux et des fossés d’écoulement.

Nous avons vu sur les lieux mêmes de beaux exemples de résultats obtenus en France par l’emploi des colmates, surtout dans le midi ; nous citerons entre autres l’attérissement progressif de l’étang de Capestang (caput

  1. Les traités de Guglielmini, Natura de’fiumi ; de Zendrini, Leggie e fenomeni dell’acque correnti ; de Fossombroni, Memorie idraulico-storico sopra la Val-di-Chiana, etc.