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liv. ier.
AGRICULTURE : ENGRAIS.


reste plus de particules charbonneuses ; qu’on laisse refroidir, et que le poids du résidu se trouve être de 70 grammes, la perte de 30 grammes ou 30 p. 0/0 représentera la quantité de matière organique ou la proportion de fumier très-sec que pouvait représenter la vase. Si la matière essayée contenait une proportion notable de carbonate de chaux, il faudrait tenir compte de l’acide carbonique dégagé par la calcination ; on constaterait sa quantité en saturant par l’acide sulfurique étendu de 0,9 d’eau, et constatant la perte. (Voy. les détails sur l’analyse des terres donnés page 57.)

Enfin, si une proportion importante de débris d’animaux se trouvait dans ces vases boueuses, comme nous avons vu que cela se rencontre quelquefois près des bords de la mer, on l’apprécierait en faisant calciner dans une cornue l’échantillon desséché, en recueillant les gaz dégagés dans de l’acide sulfurique étendu d’eau, tenant note, soit de l’acide saturé, soit du sulfate d’ammoniaque produit[1]. Nous avons indiqué plus haut ce mode d’essai en parlant des débris d’animaux. La proportion de matière animale ainsi représentée augmenterait de beaucoup l’influence et la valeur comme engrais de la matière organique, puisqu’elle pourrait au moins être assimilée au sang soluble, dont 850 kil. produisent comme engrais un effet à peu près égal à celui de 54,000 kil. (ou 63 fois plus) de fumier d’étable.

§ IV. — Comparaison des prix et des effets des divers engrais, avec les doses nécessaires.

Les recherches faites jusqu’à ce jour nous permettent d’estimer approximativement les effets et prix comparés des divers engrais en usage. Sans doute, un plus grand nombre d’essais, et dans des circonstances de sols, saisons, cultures plus diverses, seraient utiles pour fixer ces données ; mais encore seraient-elles sujettes à des variations entre certaines limites pour les différentes localités ; telles que nous les présentons, elles serviront du moins de 1re  base à chaque agriculteur pour de nouvelles observations spécialement applicables à son exploitation.

Les prix des transports devront aussi être rectifiés suivant les distances et l’état des voies de communication. Nous avons d’ailleurs supposé les engrais qu’on achète dans les villes transportés à 2 lieues, et ceux produits par les exploitations rurales rendus sur le champ ; enfin, dans une 2e colonne, nous avons ajouté 50 c. pour frais de transport. On verra que les engrais riches seuls peuvent supporter jusqu’à 5 fr. de frais de transport, tandis que les fumiers et les divers composts supporteraient à peine quelques centimes.

Tableau des frais de fumure d’un hectare de terre (ou 3 arpens de Paris), avec divers engrais.
Quantités,
espèces et prix par mesure,
des divers engrais.
PRIX
coutant.
50 cent.
de
transport
en plus.
1,500
kil. 15 hectol. noir animalisé à 5 f. 
75 82 50
2,000
id. 20 id. noir résidu des raffineries, à 5 fr. 
100 110
550
kil. chair musculaire en poudre, à 20 fr. le 100 de kil. 
110 112 75
1,750
kil. ou 25 hect. poudrette, à 5 fr. 
125 133 75
750 id.
sang coagulé sec, en poudre, à 20 f. le 100. 
150 153 75
850 id.
sang soluble sec, en poudre, à 30 fr. 
170 174 25
2,500 id.
fiente de pigeons (rendue, en Flandre) 
200 200
2,000 id.
os concassés, à 12 fr. le 100 
240 250
1,125 id.
cornes en rapures, à 25 f. 
280 52 285 62
33,750 id.
engrais flamand rendu à 1 f. 20 c. les 125 kil. 
304 304
90,000 id.
engrais vert, plus chaud, à 35 c. le 100 
315
54,000
fumiers,
à 40 c. tiré des villes 
216 486
à 58 c. dans les fermes 
297 565
à 84 c. id. le 100. 
459 729
86,400
boues des villes, à 50 c.[2] 
432 864

Nous n’avons pas mentionné dans ce tableau divers autres engrais, tels que les marcs de colle, les cendres animalisées, les terreaux, plusieurs composts et détritus, soit parce que leur composition est trop variable, soit parce que leurs effets n’ont pas été constatés.

Rappelons, en terminant, que l’on ne devra jamais se baser sur le prix de revient seulement des engrais pour fixer son choix, mais qu’il faut encore prendre en considération leur influence spéciale sur le développement de la partie herbacée ou la production de la graine, le goût des fourrages ou des plantes comestibles, leur action plus ou moins régulière, l’effet secondaire comme amendement ou stimulant, enfin la main-d’œuvre pour les répandre, et les soins particuliers à ceux qui sont rapidement actifs pour éviter de les mettre en contact avec les graines, les jeunes tiges ou les extrémités spongieuses des racines. A. Payen.


CHAPITRE V. — des opérations agricoles propres à rendre le sol cultivable.

La France renferme encore, malheureusement, un bien grand nombre de terres Vagues et incultes, de Landes, de Bruyères, de Savarts, qui ne sont dévoués à la stérilité que faute d’être fécondés par des bras laborieux. Non seulement dans certaines parties du ter-

  1. On obtient ainsi environ 9 de sulfate d’ammoniaque pour cent des os calcinés, et 18 à 20 du sang sec, des chiffons de laine, de la chair musculaire, des cornes, etc.
  2. Ce prix est composé presque en entier des frais de ramassage et de transport à une distance d’une à deux lieues.