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CHAPITRE V

La chaleur est tropicale ; heureusement à la tombée de la nuit la fraîcheur lui succède et rend ainsi plus supportable la longue étape qu’il faut faire pour aller coucher à Nakhitchévan.

À ce trajet de nuit il ne manque même pas le charme du danger, au moins du danger supposé. Au relais on nous avait signalé les dernières verstes avant Nakhitchévan comme très fréquentées par les maraudeurs. En conséquence, nos fusils chargés se montrent fort ostensiblement à droite et à gauche de la voiture, brillant au clair de lune ; mais les maraudeurs ne se présentent pas.

Arrivés au relais de Nakhitchévan, nous recevons naturellement la visite du chef de police — pour nous saluer uniquement — après une petite causerie, cet honorable fonctionnaire s’en va ; cinq minutes plus tard il revient et nous demande nos passeports. Nouvelle scène comique à propos de noms ! Cette fois-ci il trouve bien M. G(h)yvernatte et M. Muller ; mais il lui faut un M. Abate — où est M. Abate ?  ; naturellement ce personnage nous est parfaitement inconnu, et nous commençons une interminable discussion ; le chef de police réclamant M. Abate ; nous, défendant notre complète ignorance des faits et gestes de ce Monsieur. Tout d’un coup M. Nathanaël a un éclair de génie — parbleu, M. Abate n’est pas autre chose qu’une transformation du malencontreux titre d’Abbé ! et, Abate, G(h)yvernatte, Üverna, Hyvernat ne sont qu’un seul et même individu ! Mais ce n’est pas petite affaire d’expliquer la chose au pauvre chef de police ; en nous quittant, il est encore visiblement préoccupé de M. Abate. Quant à nous, nous passons une nuit excellente sur nos lits de camp, qui commencent à nous paraître bien supérieurs aux plus moelleuses couchettes de l’Europe[1].

  1. Voir aux « Renseignements pratiques » la description de ces lits de camp.