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puis la trêve de Neuilly et le : « Paris tout entier se lèvera », la Ligue des droits de Paris continuait sans rien gagner. La courageuse conduite des francs-maçons rejeta les ligueurs fort à l’arrière plan.

Le 21 avril, quand ils avaient demandé l’armistice, les francs-maçons s’étaient plaints de la loi municipale votée récemment par l’Assemblée. « Comment, leur avait répondu M. Thiers, mais c’est la plus libérale que nous ayons eue depuis quatre-vingts ans. — Pardon, et nos institutions communales de 1791 ? — Ah ! vous voulez revenir aux folies de nos pères ? — Mais enfin, vous êtes donc résolu à sacrifier Paris ? — Il y aura quelques maisons de trouées, quelques personnes de tuées, mais force restera à la loi ». Les francs-maçons avait affiché dans Paris cette horrible réponse.

La férocité du soldat toute bestiale n’était pas plus cruelle. Ces malheureux croyaient fermement que les fédérés étaient des voleurs relâchés par la Commune ou des Prussiens et qu’ils torturaient leurs prisonniers. Il y en eut qui refusèrent quelque temps toute nourriture craignant qu’on ne les empoisonnât. Les officiers, bonapartistes pour la plupart, propageaient ces histoires ; quelques-uns même y croyaient[1]. Ils arrivaient d’Allemagne dans un état de surexcitation extrême contre Paris [2], disaient publiquement : « Nous serons sans quartier contre ces canailles. » Ils donnaient l’exemple des exécutions sommaires. Le 25 avril, à la Belle-Epine, près de Villejuif, quatre gardes nationaux surpris par des chasseurs à cheval et sommés de se

  1. Le 12 mai, à la barricade du Petit-Vanves, un officier du génie de la division Lacretelle, 2e corps, le capitaine Rozhem, fut fait prisonnier. Amené devant le commandant de tranchée, il dit : « Je sais ce qui m’attend. Fusillez-moi ! » Le commandant haussa les épaules et conduisit le prisonnier à Delescluze. « Capitaine, dit le délégué, promettez-moi de ne pas combattre la Commune et vous êtes libre. » L’officier promit et, profondément ému, il demanda à Delescluze la permission de lui serrer la main. Depuis l’ouverture des hostilités jusqu’au 23 mai, les fédérés ne fusillèrent pas UN SEUL prisonnier officier ou soldat. Les rigueurs de la guerre ne furent appliquées qu’à trois espions et après jugement.
  2. Appendice X.