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amour de la poésie. Le troisième, qui s’en est allé si vite, a été de tout temps assez mal vu, à cause de son humeur satirique et de son insupportable niaiserie. En vérité, je ne sais comment Mercure a inscrit ces poëtes sur sa liste. » — « C’est moi, répondit Apollon, qui ai péché par erreur. Je jugeai de leur génie, à première vue, et m’imaginai qu’ils ne seraient point inutiles au succès de cette expédition. » — « Seigneur, répliquai-je à mon tour, je croyais que l’erreur était incompatible avec la divinité ; j’entends l’erreur la plus légère. La prudence, résultant des années et fille de l’expérience, est la divinité qui tient en garde contre les fautes de cette espèce. » Apollon répondit : « Par ma foi, je ne te comprends pas, » un peu troublé et affligé de l’insolence de ces vingt déserteurs.

Ô toi, soldat Sarde, Lofraso, tu étais du nombre de ces barbares transfuges, qui allèrent grossir les rangs de l’ennemi. Mais, malgré cette défection, les vaillants champions de l’escadron orthodoxe, poëtes excellents et madrés, ne furent point émus. Loin de là, ils n’en furent que plus irrités contre les fugitifs, et ils en firent un grand carnage. Ô faux et maudits troubadours, qui usurpez la réputation de sages poëtes et qui êtes la lie des plus mauvais. Entre la langue, le palais et les lèvres, votre poésie ne cesse de faire cent mille offenses à la vertu. Poëtes, d’une audace hypocrite, attendez ; voici le jour qui doit mettre un terme à votre insolence.