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quittes du titre. — Mais pourquoi, demandai-je, s’obstinent-ils, seigneur, à écrire, et à faire connaître les vers qu’ils composent ? — Le génie a aussi sa convoitise ; et l’on ne méprise jamais les éloges qui sont légitimement dûs au mérite. Pourquoi donc celui qui ne se pique point d’être poëte, écrit-il des vers et les récite ? Pourquoi dédaigne-t-il ce qu’il prise le plus ? Je n’ai jamais pu comprendre ni souffrir ces mignardises hypocrites. C’est bonnement que j’ai toujours ambitionné la louange pour ce que j’ai fait de bien. — Malgré tout, répliqua le dieu qui se pique d’éloquence, Apollon veut que cette troupe de religieux demeure ici en secret. »

En ce moment retentit le cri du clairon, et des voix se firent entendre, qui annonçaient l’arrivée d’un excellentissime poëte. Je me retournai, et sur le flanc de la montagne j’aperçus un postillon et un cavalier, qui allaient, comme on dit, ventre à terre. Le postillon faisait l’office de héraut plutôt que de guide ; à ses cris, tout l’escadron poétique se leva. Mercure me dit : « Tu ne sais pas quel est ce vaillant et superbe personnage ? Je suis persuadé que tu l’as reconnu déjà. — Oui certes, répondis-je, c’est le fameux Don Sancho de Leiva, dont la plume et l’épée tourneront à l’avantage d’Apollon. Avec un pareil auxiliaire, le succès de l’entreprise est certain. »

Au même instant, et c’était comme un rêve, un autre secours non moins précieux nous fit voir que pour affronter le combat