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un message aux Lupercios[1]. Il s’agissait de les instruire de la guerre imminente, et de les engager à prendre part à la terrible mêlée. « Seigneur, lui répondis-je, si pour un pareil message, il se trouvait un messager qui fût plus agréable que je ne le suis aux deux frères, je m’assure que la négociation y gagnerait. » Et Mercure : « Je ne te comprends pas, dit-il, et il faut que tu partes sans retard. — Je doute fort qu’ils veuillent m’écouter, répliquai-je ; aussi mon ambassade me paraît d’une utilité contestable, quoique je sois d’ailleurs prompt à l’obéissance en toutes choses. Je ne sais trop que croire de ce que j’entends dire ; mais je suppose qu’ils ont pour moi la bienveillance et la vue également courtes. S’il n’en était pas ainsi, je ne ferais point cette excursion en aussi mince équipage, et je me serais bien gardé d’entrer dans cette folle équipée. Je l’assure que pour rien au monde je ne serais entré dans ta galère, si des nombreuses promesses qu’ils me firent à leur départ quelques-unes seulement eussent été remplies. Mes grandes espérances étaient proportionnées à leurs promesses ; mais il est probable que de nouvelles occupations leur ont fait perdre la mémoire. Seigneur, tu as bien des personnes dans ta galère qui pourraient te donner satisfaction à ce sujet. — Pars, dit-il,

  1. Les deux frères Argensola, célèbres poètes Aragonais. Cervantes n’eut jamais lieu de s’applaudir de leurs procédés à son égard.