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Mercure me dit : « Je veux que tu m’énumères les noms de cette cohorte vaillante, sans oublier, puisque tu en es instruit, la valeur de leur génie. » — Et moi je répondis : « Je dirai ce que je sais de ceux qui ont le plus de poids, pour t’engager à faire, devant Apollon, l’éloge de leur mérite. » Il écouta, et je parlai de la sorte.


CHAPITRE II.

Le dieu parleur était suspendu à ma bouche de vieillard ; muet alors, car celui qui écoute doit garder le silence. Tout à coup j’éternuai bruyamment, et pour conjurer le fâcheux présage, je fis des signes de croix et m’empressai aussitôt d’obéir à l’ordre du grand Mercure. Je regardai la liste, et m’aperçus que le premier nom était celui du licencié Juan de Ochoa, mon ami, comme poëte, et un vrai chrétien. À la louange de ce noble esprit, je dis que sa haute raison peut hâter la mort de l’ennemi. Si son génie ne se distrait et s’entretient dans la grammaire espagnole, Apollon ne verra pas son pareil ; car par sa poésie, unique au monde, il peut espérer de mettre le pied au sommet de la roue inconstante ou de la boule mobile.