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ni de la faim ni de la soif. Mais maintenant le problème allait se poser à nouveau ; et cette fois, il était inéluctable.

En effet, pendant ce long séjour, Pardaillan avait employé son temps et toutes les ressources de son imagination à trouver un moyen d’évasion.

Les projets se succédèrent dans son esprit, mais à la pratique, il dut en reconnaître l’inanité et les abandonner l’un après l’autre.

La vérité lui apparut effroyable :

Il n’y avait aucun moyen de sortir de là !

Dans deux jours, trois jours au plus, il allait se trouver sans vivres !

Et alors commencerait une longue et terrible agonie pour aboutir à la mort la plus douloureuse !





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Au moment où le comte de Marillac se mit en route pour accomplir la mission de confiance que lui avait donnée Catherine, la reine de Navarre se trouvait à La Rochelle, place forte qui, sans être encore cette sorte de capitale protestante qu’elle allait devenir après la Saint-Barthélemy, n’en était pas moins considérée par les réformés comme le meilleur de leurs refuges.

Jeanne d’Albret avait concentré là les forces dont elle disposait.

Elle avait imaginé un plan aussi simple que hardi, et qui comportait deux actions simultanées.

Il consistait à réunir sous les murs de La Rochelle tout ce qu’il y avait de protestants en France décidés à risquer un grand coup pour conquérir la liberté de conscience, c’est-à-dire non seulement le droit de penser autrement que les catholiques, mais l’existence civile dans un pays où ils étaient exclus de toutes les charges et de tous les emplois.

En un mot, elle jugeait que l’heure était venue de vaincre ou de mourir.

Une fois cette armée réunie et organisée, elle en prendrait le commandement elle-même et marcherait droit sur Paris.

Telle était la première action du plan.

La deuxième consistait à tenter dans l’intérieur même de Paris un coup de main qui devait coïncider avec l’apparition de Jeanne d’Albret sur les hauteurs de Montmartre par où elle comptait attaquer.

Ce coup de main, c’était l’enlèvement du roi Charles IX que l’on eût transporté au camp des réformés.

Coligny, Condé, Henri de Béarn devaient prendre les devants, s’installer dans Paris et y préparer l’enlèvement.

Trois ou quatre cents protestants devaient, par petites troupes ou même isolément, entrer dans la capitale de Charles IX et occuper peu à peu tout le côté de la ville situé entre le Louvre et les fossés Montmartre.

Telle était la deuxième action du plan.

La résultante de ces deux combinaisons, la voici :

Jeanne d’Albret apparaissait sous les murs de Paris avec une armée forte d’environ quinze mille fantassins, deux mille cavaliers, vingt canons. À un signal donné par elle du haut de Montmartre, Henri de Béarn, suivi de Condé et de Coligny, montait à cheval ; les quatre cents huguenots arrivés se formaient autour de lui ; cette troupe traversait la ville assiégée et marchait sur la porte Montmartre en criant aux Parisiens que le roi Charles IX se trouvait dans le camp huguenot.

Au même instant, la porte Montmartre eût été attaquée du dehors.

Jeanne d’Albret comptait ainsi entrer dans Paris presque sans coup férir, se réunir à son fils, marcher sur le Louvre, et là imposer ses conditions à Catherine de Médicis.

Voilà dans son ensemble le plan de la guerrière. On peut dire qu’il était réellement inspiré par le désespoir, et il est impossible d’affirmer qu’il n’eût pas réussi.

Quoi qu’il en soit, on a vu que ce plan avait reçu dans Paris un commencement d’exécution ; Henri de Béarn, Condé et Coligny n’avaient pas hésité à y entrer secrètement ; ils y étudiaient la possibilité d’enlever Charles IX et cherchaient à gagner à leur cause ceux des catholiques tolérants qu’indignaient les persécutions et la mauvaise foi montrée par Catherine après la paix de Saint-Germain.

Les choses en étaient là, lorsque Jeanne d’Albret reçut une lettre qui la troubla fort et ébranla ses résolutions.

La lettre venait de Charles IX et lui était apportée par un gentilhomme du roi.

En substance, Charles IX assurait la reine de Navarre de sa bonne volonté, affirmait son sincère désir de terminer à jamais les luttes qui ensanglantaient le royaume, et lui donnait rendez-vous à Blois pour discuter des conditions d’une paix durable et définitive. Il ajoutait