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Guitalens étouffa un cri où il y avait autant de joie que de regret. Un instant, il eut la pensée de mettre sa main au collet de celui qui avouait l’avoir joué. Mais comme c’était un homme à double face, il supposa naturellement que Pardaillan pouvait mentir, que le papier pouvait bien contenir la dénonciation…

Il grimaça dans un sourire :

— Vous êtes un charmant cavalier, dit-il, et je suis vraiment heureux de vous donner la clef des champs. Mais si, par hasard, vous changiez d’idée, s’il vous prenait fantaisie d’envoyer réellement le papier en question, j’espère que vous sauriez reconnaître le service que je vous rends aujourd’hui.

— Comment cela ?

— En y oubliant mon nom !

Note



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Nous ramenons un instant nos lecteurs auprès de dame Maguelonne — la vieille propriétaire de la maison où habitaient Jeanne de Piennes et sa fille. On a vu que cette digne matrone s’était rendue à l’auberge de la Devinière, comment elle y avait appris l’arrestation du chevalier de Pardaillan qui concordait si étrangement avec celle de ses deux locataires et comment elle était rentrée chez elle fort effrayée de savoir que sa maison avait été un nid de conspiration huguenote.

Sa première pensée fut de brûler la lettre qui lui avait été confiée par Jeanne de Piennes.

La terreur de passer pour complice la talonnait. Mais dame Maguelonne était femme, vieille et dévote. Or, si l’on songe que la curiosité d’une dévote est au carré de la curiosité d’une vieille femme qui n’est pas bigote, que la curiosité d’une vieille est elle-même au carré de la curiosité d’une jeune femme ; et qu’enfin la curiosité d’une jeune femme représente déjà un chiffre respectable dans la proportion des sentiments humains, ce petit travail de mathématique arrivera à donner une haute idée de la curiosité qui talonnait dame Maguelonne. Que si du point de vue arithmétique nous passons au point de vue sentimental, nous constaterons que cette vénérable femme tremblait d’épouvante à la pensée qu’on pourrait trouver chez elle cette lettre — et que, cependant, elle ne la brûla pas !

Lorsque, au bout de trois ou quatre jours de combat contre sa peur, dame Maguelonne se fut enfin résolue à ne pas brûler ce papier, elle eut à subir un nouveau combat.

En effet, dès qu’elle était seule, elle courait fermer sa porte et ses fenêtres, allait prendre la lettre, s’asseyait, et passait