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L’INTÉGRALE DE STIELTJÈS.

essayé de construire la fonctionnelle linéaire la plus générale ; M. Hadamard et M. Fréchet avaient obtenu dans cette direction des résultats fort intéressants ; mais il était réservé à M. Riesz de résoudre complètement la question en montrant que toute fonctionnelle linéaire définie pour toutes les fonctions continues dans est de la forme  ; étant une fonction à variation bornée qui caractérise la fonctionnelle[1].

Soit une fonctionnelle linéaire définie dans le champ des fonctions continues de à [2]. L’égalité

a donc lieu dans  ; il existe deux cas importants où l’on peut même supposer les fonctions en nombre infini. C’est d’une part,

  1. J’imite dans ce qui suit la démonstration donnée par M. Riesz dans son Mémoire des Annales de l’École Normale, 1914. M. Riesz me fait là l’honneur de déclarer qu’une remarque que j’avais faite sur le rôle des suites monotones de fonctions l’a guidé. En réalité, je n’avais que très imparfaitement compris ce rôle sans quoi je n’aurais pas écrit, dans ma Note de 1909, qu’il serait très difficile d’étendre la notion d’intégrale de Stieltjès par un procédé différent de celui que j’employais. Peu de temps après que j’eus commis cette imprudence, M. W. H. Young montrait que mon procédé était loin d’être indispensable et que l’intégrale de Stieltjès se définit exactement comme l’intégrale ordinaire par le procédé des suites monotones indiqué au Chapitre VII, p. 134 (Proceed. of the London Math. Society, 1913).

    Ce travail de M. Young est le premier de ceux qui ont finalement bien fait comprendre ce que c’est qu’une intégrale de Stieltjès. On n’a pénétré vraiment au fond de cette notion que grâce à la définition qu’en a donnée M. Radon (Sitz. d. K. Ak. d. Wiss. in Wien, 1913) et aux travaux de M. de la Vallée Poussin sur l’extension de la notion de mesure (voir, en particulier, dans cette collection, le livre déjà cité de M. de la Vallée Poussin). Mais pour que ces travaux soient eux-mêmes possibles, il avait fallu que soient dégagées les notions de fonction d’ensemble (Lebesgue), de fonction de plusieurs variables à variation bornée (Vitali, Rend. della R. Acc. delle Sc. di Torino, 1908), d’intégrale de Stieltjès d’une fonction continue de plusieurs variables (Fréchet, Nouv. Ann. de Math., 1905), etc.

    Comme je ne m’occupe dans ce livre que des fonctions d’une seule variable, la difficulté et l’importance de certains travaux y apparaissent mal. C’est pourquoi je tiens à dire que si, en ce qui concerne les fonctions d’une seule variable, le Mémoire de M. Radon ne nous a apporté qu’une définition nouvelle, particulièrement heureuse à la vérité, de l’intégrale de Stieltjès, pour le cas de plusieurs variables ce Mémoire fournit une véritable extension de la notion d’intégrale.

  2. On pourrait partir d’un champ plus restreint, de celui des polynômes, par exemple.