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portantes colonies romaines de la Péninsule, son plus grand titre de gloire, c’est le palmier : il est vrai qu’on voit souvent dans presque toutes les parties de l’Andalousie, dans le sud de l’Italie et en Sicile, de ces magnifiques arbres du désert ; ils atteignent quelquefois d’assez grandes dimensions ; mais ils sont toujours isolés, ou du moins en groupes peu nombreux, tandis qu’autour d’Elche ils forment une vaste ceinture qui entoure la ville comme une véritable forêt : on se croirait transporté tout d’un coup, par la baguette d’un enchanteur, dans quelque ville de l’intérieur de l’Afrique, ou bien encore dans un de ces sites où l’imagination se plaît a placer les scènes grandioses de la Bible (voy. t. VIII, p. 367).

Quand nous approchâmes de la ville, une échappée entre les palmiers nous laissa apercevoir une longue ligne de murs crénelés, surmontés de coupoles que doraient les derniers rayons du soleil, et qui dessinaient leur silhouette orientale sur un ciel aussi rouge qu’une fournaise ardente. L’illusion eût été tout à fait complète, si, au lieu de paysans murciens, drapés dans leur mante de laine aux mille rayures éclatantes, nous eussions vu passer quel qu’une de ces caravanes que Marilhat aimait à peindre, ou quelque Rebecca au costume biblique, portant sur l’épaule l’amphore traditionnelle.

Facteur du port d’Alicante.

En pénétrant dans l’intérieur d’Elche, nous aurions pu continuer à nous croire dans une ville d’Orient : les rues sont étroites, les maisons, blanchies à la chaux, ont des toits plats formant terrasse, et ne reçoivent le jour que par d’étroites fenêtres, auxquelles sont suspendues des esteras ou nattes en jonc de différentes couleurs, qui se fabriquent dans le pays ; bientôt nous traversâmes un superbe pont construit à une très-grande hauteur au-dessus d’un profond ravin complétement à sec, qu’on nous assura être une rivière, et même une rivière qui déborde parfois l’hiver, puis notre véhicule s’arrêta à la posada, qui est une des plus propres que nous ayons rencontrées en Espagne.

Dès le lendemain matin, notre première visite fut pour la cathédrale qu’on appelle Santa-Maria, et nous montâmes au sommet du campanile, d’où la vue s’étend sur toute la ville et sur les environs à une grande distance : ce n’est qu’ainsi qu’on peut se rendre bien compte