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couverts qui dominent la plaine kordofanienne. Le soir même j’en fis l’ascension, que j’ai un peu plus tard esquissée de souvenir :

« Quand je fus arrivé aux deux tiers du mont, une muraille à pic, nue et lisse, m’empêcha d’aller plus avant. Je m’arrêtai au bord d’une charmante source, seule eau courante que j’eusse vue depuis que j’avais quitté le Nil. Dans toute cette portion de l’Afrique, les montagnes ont seules le privilége de posséder des eaux vives, que le sol absorbe avant même qu’elles aient atteint la plaine. Je m’assis alors et embrassai du regard l’ensemble du paysage. Au levant, la vue s’étendait à deux grandes journées de marche bien au delà de Lobeid : les villages et les cultures disparaissaient dans le tapis vert de la forêt, qui, de cette hauteur, faisait l’effet d’une pelouse parsemée de gigantesques baobabs d’un vert sombre. Elle se prolongeait au couchant vers le Darfour et entourait deux collines qui, par une bizarrerie géologique, montraient deux sommets à peu près cylindriques semblables à des ruines féodales. On eût dit deux forteresses antiques bâties pour protéger la frontière de la province[1]. »

C’est ce coin de paysage que j’ai esquissé dans la vue de la page 29. La source est à quelques pas sur la droite : l’horizon est formé par l’immensité du Darfour, terre promise du voyageur qui peut, de loin, la sonder du regard, à condition de n’y jamais entrer.

  1. Revue des Deux Mondes, 15 février 1862.