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Henri Lambert était né en 1828, à Redon (Ille-et-Vilaine). Il fut élevé à Nantes, où résidait une partie de sa famille, et où son aïeul avait été notaire. De bonne heure, laissant là les livres pour la mer, comme la plupart des Bretons ses compatriotes, il entra au service de la marine de l’État en qualité de volontaire. C’est sous ce costume que le représente le portrait dessiné page 65.

Vers 1850, Henri Lambert quitta la marine et rejoignit son frère aîné à Maurice. Joseph Lambert était à cette époque l’un des plus riches planteurs et fabricants de sucre de notre ancienne Île de France. De Maurice, Henri Lambert alla en Australie, pour y vendre des cargaisons de sucre au compte de son frère. Pendant trois ans il courut la mer de Port-Louis à Sydney, visita les placers, alors à peine découverts, assista à tout le spectacle si bruyant et si animé de la première immigration, et fit plusieurs explorations dans l’intérieur de l’Australie, aujourd’hui encore peu connu. (Voy. t. V, p. 406.) Dès ce temps, en 1855, M. Joseph Lambert projetait l’établissement d’une ligne de bateaux à vapeur entre Maurice et Aden, et il envoyait même son frère Henri étudier les ressources commerciales de ces contrées.

Ismaël, interprète à Aden. — Dessin de Hadamard d’après une photographie.

Nous avons vu comment notre courageux compatriote s’est acquitté de cette tâche difficile et quel courage, quelle activité il a déployés dans l’accomplissement de son mandat, ainsi que dans les délicates fonctions d’agent consulaire, jusqu’au jour où, tombant sous le coup de lâches assassins, il a laissé un poste vide où personne ne l’a remplacé.

Henri Lambert était d’une taille au-dessus de la moyenne, bien pris et d’une très-grande force musculaire. Il avait les cheveux châtains, le teint coloré, la figure régulière. Ses traits respiraient à la fois le courage et l’énergie joints à une bonté parfaite. Il s’était fait aimer de toutes les tribus de la côte d’Afrique. Son courage et son ardeur ne se démentirent jamais. Ni les tempêtes de la mer Rouge, ni les maladies de ces brûlants climats, ni la sauvage férocité des Bédouins Essas ne purent l’arrêter un instant. Le rêve de ses dernières années fut de voir la France s’établir dans les mers arabiques à côté de l’Angleterre, et ce rêve vient d’être accompli par la prise de possession d’Oboc que nous annoncent les dernières nouvelles d’Aden.

L. Simonin.