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Village de Llalli.


VOYAGE DE L’OCÉAN PACIFIQUE À L’OCÉAN ATLANTIQUE,

À TRAVERS L’AMÉRIQUE DU SUD,

PAR M. PAUL MARCOY[1].
1848-1869.-TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




PÉROU


DEUXIÈME ÉTAPE.

D’AREQUIPA À LAMPA.


L’auteur poursuit sa route en dissertant sur le passé et le présent de la province de Lampa.

Comme nous dépassions les dernières maisons de Lampa dans la partie du nord, je me souvins que les épisodes de la soirée m’avaient fait négliger de crayonner sur mon livre de notes certains détails relatifs à la province de Lampa, à son commerce, son industrie et l’humeur de ses habitants. Je comblai aussitôt cette lacune, non pas tant par amour de la statistique et pour me mettre en règle vis-à-vis des sociétés savantes, que pour ôter aux voyageurs présents et à venir, commandités par ces dernières, tout prétexte d’éblouir le public par un pompeux étalage de documents certains, de renseignements officiels et de chiffres exacts.

La province de Lampa, enclavée dans celles d’Arequipa, de Chucuytu, de Puno, d’Azangaro, de Canas y Canchis, occupe une superficie d’environ treize cent vingt lieues carrées. Sur cette étendue, complétement dénuée d’arbres et d’arbrisseaux, mais accidentée de collines et de vallons, de ravins et de fondrières et sillonnée par trois torrents-rivières[2], on compte une ville capitale, — la bourgade à laquelle nous tournons le dos, — quarante-trois villages, — lisez hameaux de la plus triste espèce, — et cent huit pascanas ou bergeries. La population de la province est d’environ cinquante-sept mille habitants et le chiffre de ses moutons s’élève à quatre cent mille. Grâce aux vastes déserts tapissés de mousse et de jarava, entrecoupés de lagunes à l’eau dormante, d’une lieue à trois lieues de tour, qui caractérisent en général les provinces du Collao et en particulier celle de Lampa, les races ovine, bovine et camélienne croissent et multiplient à merveille et sans que l’art de l’éleveur y soit pour rien. Le beurre en vessies, le fromage en meules, le mouton fumé (sessina), la viande de bœuf et de lama découpée en lanières (charqui), la patate gelée (chuño), dont on compte trois variétés, la tunta, la moraya, le mosco, forment la branche la plus importante du commerce de Lampa avec les provinces voisines. La tonte annuelle des brebis et des alpacas, dont la laine est achetée sur place par deux ou trois spéculateurs d’Arequipa, qui l’expédient en Europe, cette tonte ou ce trafic fait dire aux Lampeños que leurs relations commerciales s’étendent aux deux bouts du monde.

L’exploitation des mines, d’où le pays tirait autrefois de grands revenus, a décru d’année en année. Nombre de gîtes productifs sont abandonnés aujourd’hui. D’aut-

  1. Suite. — Voy. pages 81 et la note 2, 97, 241 et 257.
  2. Le Pucara-Ayaviri, les rios de Lampa et de Cabanilla et quelques ruisseaux sans importance. Ces trois cours d’eau vont se jeter dans le lac de Titicaca.