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dre, et ils vont si vite à cette besogne que la croûte de glace qui entoure les tranches n’a pas le temps de fondre. Le poisson, si apprécié en hiver, n’est pas dédaigné en été, et on le mange encore cru. Il y a toujours foule aux abords de la rivière ; on attend les pêcheurs, et quand ceux-ci vident leurs filets, les femmes et les hommes s’emparent du poisson et le coupent par tranches quand il est encore vivant. 3 mai 1840. — « La corneille ! la corneille » Un jeune garçon entra précipitamment dans notre salon en poussant ce cri, puis il disparut en donnant des signes de joie ; nous descendîmes aussitôt pour demander à notre hôtesse le but de cette singulière visite. « Les corneilles, nous répondit-elle, annoncent l’approche du printemps, et avec le printemps, la joie, le bonheur, l’abondance renaissent ; celui qui aperçoit la première corneille va de maison en maison, et ce messager de l’espérance est toujours le bienvenu. »

Il y a six semaines que le docteur Wakulinski, élevé à l’université de Wilna, est à Bérézov, en expiation de son ardent patriotisme. Notre similitude de position était un lien ; nous avons vu souvent cet excellent Polonais, et peu à peu il s’est sérieusement attaché à ma compagne, Joséphine Rzonzewska. Les sympathies qui naissent dans le malheur ont un caractère sacré. Joséphine partage l’affection du jeune exilé, qui a demandé sa main et qui l’obtiendra si c’est le plaisir de l’empereur Nicolas : car ici on ne peut pas aimer et se marier sans la volonté souveraine de l’empereur. Ce projet me remplit de joie ; un intérêt bien cher va se glisser dans ma vie et d’une façon bien inespérée !

Chasseur sibérien attaquant des ours (voy. p. 233).

On salue ici le retour des beaux jours, et nous, nous avons célébré notre anniversaire du 3 mai 1791, anniversaire glorieux et cher à tous les cœurs polonais. La foi en l’avenir qui soutient la Pologne au milieu des persécutions et du martyre a tenté une nouvelle régénération politique, mais l’influence étrangère devait étouffer dans ses serres ces généreux efforts.

Traduit par Mme Olympe Chodzko.

Nota. — Rendue à ses foyers et à sa famille après cet exil, Mme Félinska est morte en 1859. Par un étrange revirement de choses et d’opinions, son fils a été nommé, en 1862, archevêque de Varsovie par l’empereur Alexandre II.