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se faire aimer de Dieu en provoquant contre soi jusqu’au crime, où, détestant la vie, l’on avait soif de supplices, et vous abandonnez le cloître remerciant le ciel d’avoir dissipé toutes ces ténèbres d’un fanatisme qui recherchait le martyre dans un sentiment beaucoup plutôt égoïste que charitable.

La Mercie possède encore une belle bibliothèque où l’amateur pourrait découvrir des trésors ; et le chœur de l’église, composé d’une centaine de siéges en chêne sculpté, est un des plus beaux que je connaisse.

Le Salto del Agua est la seule fontaine monumentale que possède Mexico (voy. page 353). Placé en dehors des grandes voies de circulation et dans le centre d’un faubourg, il termine l’aqueduc qui partant de Chapultepec amène à Mexico les eaux de ses sources. C’est une construction oblongue, ornée d’une façade fort médiocre. Au centre un aigle aux ailes déployées soutient un écu meublé des armes de la ville. De chaque côté des colonnes torses avec chapiteaux corinthiens supportent deux figures symboliques de l’Amérique et de l’Europe, qu’accompagnent huit vases à moitié brisés. Suivant les historiens de la conquête et les anciens auteurs mexicains, le Salto del Agua et l’aqueduc qu’il termine avaient remplacé l’ancien aqueduc de Montézuma, bâti par Netzahualcoyotl, roi de Texcoco, sous le règne de Izcoatl, c’est-à-dire de 1427 à 1440. Nous lisons aussi dans Clavijero, que deux aqueducs amenaient l’eau de Chapultepec à la capitale. La bâtisse était un mélange de pierre et de mortier, la hauteur des aqueducs de cinq pieds, la largeur de deux pas. Ces aqueducs occupaient une chaussée qui leur était exclusivement réservée, et amenaient l’eau jusqu’à la ville et de là dans les palais impériaux.

Quoique double, l’eau n’arrivait que par un seul aqueduc à la fois, facilitant ainsi la réparation de l’autre afin que l’eau arrivât toujours pure. Il faut avouer que les Mexicains d’autrefois avaient plus de prudence et plus de soin de leurs monuments que ceux de nos jours, qui laissent tomber les leurs en ruine.

Le château de Chapultepec (voy. page 362). — Dessin de Catenacci d’après une photographie de M. D. Charnay.

En parcourant les environs de Mexico, on trouve à Popotlan, à deux lieues environ de la ville, l’un des plus poétiques souvenirs de la conquête. Ce fut à l’ombre du vieil Altuahuete (cyprès) que Cortez vint reposer ses membres endoloris et pleurer son effroyable défaite du 1er juillet. L’arbre fut appelé depuis : Arbre de la nuit triste. Il a été représenté à la page 277. Rappelons rapidement les causes qui amenèrent ce déplorable événement.

Montézuma était prisonnier des Espagnols, et la noblesse mexicaine voulant encore fêter son roi dans les fers, offrit au monarque malheureux un bal au palais même qui lui servait de prison. Alvarado commandait en l’absence de Cortez, mais il ne voulut permettre la réunion qu’à la condition expresse que les Mexicains s’y rendraient sans armes. Le palais se remplit à l’heure fixée des nobles mexicains vêtus de leurs plus riches parures et de leurs joyaux les plus précieux. C’était un océan de plumes aux vives couleurs, une richesse incroyable de plaques d’or, un amas prodigieux de perles, de diamants et de pierres précieuses. À l’aspect de tant de richesses, les Espagnols furent éblouis, leur convoitise s’éveilla terrible, leurs regards s’allumèrent, la soif de l’or les enivra, et l’assurance de l’impunité leur fit commettre la plus infâme des trahisons. D’un commun accord ils se précipitèrent comme des tigres sur la noblesse sans défense, et se gorgèrent à l’envi de carnage et d’or.

La nation frémit à la nouvelle de cet attentat sans nom, mais le respect inspiré par le roi prisonnier la maintint encore. Cortez, du reste, était absent, et l’on comptait sur sa justice et le châtiment des coupables. Cependant il arrivait, vainqueur de Narvaez et son entrée fut triomphale. Aveuglé par le succès, Cortez se