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Entrée du golfe de Yédo, au Japon. — Dessin de Jules Noël d’après Tronson (expédition du Barracouta).


VOYAGE EN CHINE ET AU JAPON,

1857-1858.
TEXTES PAR M. DE MOGES. — DESSINS D’APRÈS MM. DE TRÉVISE, TRONSON, ETC.


LE JAPON[1].


Le détroit de Van-Diémen. — Relâche à Simoda. — Le dîner de Namorano-Nedanwano-Kami. — Le bazar.


Le lundi 6 septembre 1858, à dix heures du matin, par un temps admirable, un ciel bleu et pur, une légère brise du nord, nous quittons les rives du Whampou. Chacun part, heureux d’échanger le bon air de la mer contre l’air suffocant et malsain de Shang-haï. Le capitaine du Rémi, ses deux officiers, le personnel de la machine, sont Européens : tout le reste de l’équipage se compose de Malais, d’Hindous, de nègres, de Chinois. Nous admirons le chant cadencé et mélancolique des Malais, levant l’ancre et hissant les voiles. Notre bâtiment appartient à la maison Rémi, Schmidt et Cie. Il est loué à raison de cinq mille cinq cents piastres par mois, soit plus de mille francs par jour, prix ordinaire pour ces parages.

Nos cabines sont petites, mais propres, et le carré est bien aéré ; le bâtiment seulement est trop peuplé. Les rats, les fourmis blanches et rouges et les cancrelas se livrent nuit et jour, autour de nous, aux plus étranges ébats. Un grand clipper de la maison Jardine, allant directement à Londres en cent jours, avec un chargement de thé, quitte en même temps que nous, les eaux jaunâtres du Yang-Tzé.

Notre machine est faible : le Laplace nous remorque pour ne pas nous laisser en arrière. Au bout de quelques jours, ennuyé de ce soin, il nous quitte ; et, emmenant avec lui le Prégent, il nous indique le port de Simoda comme rendez-vous. Nous voguons lentement, mais sûrement, sur l’Océan solitaire. Nous avons vent debout, cependant le temps est toujours aussi beau : on se croirait au commencement d’octobre en France, tant le ciel est pur et l’horizon serein. Une assez forte houle de nord-est, que nous avons contre nous, arrête singulièrement notre marche. Nous franchissons néanmoins fort heureusement le détroit de Van-Diémen, en vue d’un grand nombre d’îles ; et, le 9 septembre, nous quittons les mers de la Chine pour le Grand Océan. Le 14, à dix heures du matin, après une traversée de neuf jours, nous jetons l’ancre à Simoda. Le Laplace et le Prégent nous y attendaient depuis la veille.

Le port de Simoda est petit et étroit ; il contiendrait avec peine plus de cinq ou six bâtiments à la fois ; mais il

  1. Suite et fin. — Voy. pages 129 et 145.