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conçu le projet de former une place sur les terrains de l’hôtel de Vendôme. Pour donner à cette voie publique un débouché dans la rue Saint-Honoré, il fallait démolir le couvent des Capucines. Louis XIV résolut de dédommager amplement ces religieuses en leur faisant construire un nouveau monastère, en point de vue et dans l’axe de la place. Les bâtiments, élevés sur les dessins de François d’Orbay, architecte, furent terminés en 1688, et les religieuses s’y installèrent le 26 juillet de la même année. Le 27 août 1689, leur église fut dédiée sous le titre de Saint-Louis. La suppression de cette communauté eut lieu en 1790. Les bâtiments, devenus propriétés nationales, furent affectés à la fabrication des assignats. Les jardins, qui étaient d’une grande étendue, servirent de promenade publique, et l’on y établit successivement un théâtre, un cirque et un panorama. — Un décret rendu au palais des Tuileries le 19 février 1806, porte ce qui suit : « § 4. L’ancien terrain des Capucines et ses bâtiments seront divisés en 32 lots, conformément au plan général no 1, et il sera procédé, le plus tôt possible, à l’adjudication de ces lots, dans la forme usitée pour la vente des biens nationaux, excepté cependant du 8e et de la portion du 9e indiqués au plan particulier no 2, occupés par les bureaux du timbre, lesquels continueront de rester à la disposition de l’administration générale de l’enregistrement et des domaines. En conséquence, l’adjudicataire du 7e lot ne pourra élever aucun bâtiment au-delà de ceux qui sont déjà construits, etc. 6o Les fonds provenant de la vente des terrains et bâtiments des Capucines seront versés, jusqu’à concurrence de 2,000,000, au trésor général de la couronne, en remboursement de ses avances pour le paiement des travaux relatifs à l’achèvement du Louvre, en exécution de notre décret du 11 germinal an XIII. »

Le plan joint au décret indiquait le percement de deux rues, l’une dans l’axe de la place Vendôme, et devant aboutir au boulevart, l’autre en prolongement de la rue Neuve-Saint-Augustin, depuis celle Louis-le-Grand jusqu’au boulevart. — Par une décision ministérielle en date du 30 juin 1806, signée Champagny, la largeur de la première de ces deux nouvelles voies publiques fut fixée à 22 m. 40 c. ; la largeur de la deuxième, à 10 m. (voyez rue Neuve-Saint-Augustin). En transmettant cette décision, le ministre fit observer au préfet que la rue à ouvrir dans l’axe de la place Vendôme devait prendre le nom de rue Napoléon. Les terrains des Capucines furent vendus les 10, 17 mai, 25 octobre 1806 ; 11 avril, 6, 20 juin, 26 septembre 1807 ; 30 janvier, 11 mars, 6 mai, 3 juin, 26 août, 23 septembre, 25 octobre, 2 décembre 1808 ; 14 avril et 14 juillet 1809. Ils contenaient une superficie de 23,849 m. 98 c., non compris les portions nécessaires à la formation des deux rues. Dès 1807, on commença à bâtir dans la rue Napoléon. Cette dénomination lui fut enlevée en 1814 ; alors on lui substitua celle de rue de la Paix. Une ordonnance royale du 4 octobre 1826 a maintenu la largeur fixée par le plan de 1806. Les propriétés riveraines sont alignées. — Égout. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).

Palais-Royal (le).

Entrée principale rue Saint-Honoré, no 204. — 2e arrondissement.

Cet édifice, qui compte un peu plus de deux siècles, a vu s’accomplir dans son enceinte des faits nombreux et importants. Là, se sont heurtées toutes les prodigalités et toutes les misères. L’histoire de ce palais, qui tour à tour abrita le génie, la débauche, la piété, le talent, est pleine de contrastes piquants et bizarres.

Sur l’emplacement des hôtels d’Armagnac et de Rambouillet, le cardinal de Richelieu fit bâtir, en 1629, par son architecte Jacques Lemercier, un hôtel qui porta son nom. L’habitation du ministre se trouvait entièrement renfermée dans l’enceinte de Paris, construite sous Charles V ; mais Richelieu, dont la fortune et la puissance s’affermissaient de jour en jour, se sentit bientôt à l’étroit dans cette simple demeure de gentilhomme. Le mur d’enceinte fut abattu, le fossé comblé, et grâce à de nouvelles acquisitions, l’hôtel de Richelieu devint, en 1636, le Palais-Cardinal.

D’après un relevé dressé aux archives du Palais-Royal, les acquisitions faites par Richelieu pour bâtir son palais s’élevèrent à 666,618 livres. Il faut ajouter à cette somme 150,000 liv., prix de l’hôtel de Sillery, dont le cardinal fit également l’acquisition afin d’établir une habitation devant son palais ; cette place ne fut terminée que sous la régence d’Anne d’Autriche.

La principale entrée du Palais-Cardinal était sur la rue Saint-Honoré. Dans l’ailé droite avait été construit un théâtre qui pouvait contenir environ trois mille spectateurs. Indépendamment de cette salle, le cardinal avait fait décorer un salon où l’on jouait les pièces que les comédiens représentaient ordinairement sur le théâtre du Marais-du-Temple. Ce fut dans ce salon, devant un parterre choisi et peuplé de flatteurs, que le ministre, qui ambitionnait toutes les gloires, faisait représenter son Eutrope et sa Mirame.

L’aile gauche du Palais-Cardinal était occupée par une galerie dont la voûte avait été décorée par Philippe de Champagne. Des tableaux, des statues ornaient cette galerie peinte en mosaïque sur un fond d’or, et çà et là étaient dessinées des branches de lauriers et de chêne, qui, enlacées les unes dans les autres, renfermaient les chiffres du cardinal.

Dans l’aile gauche de la seconde cour était la Galerie des Hommes Illustres, que la chambre du ministre séparait de l’autre galerie. Richelieu, en choisissant les personnages qui devaient faire partie de ce musée, n’avait pas dédaigné de conserver une place à sa grande illustration.

Voici les noms des personnages dont les portraits servaient à l’ornement de ce séjour : Suger, abbé de Saint-Denis ; — Simon, comte de Montfort ; — Gaucher