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Paris, a déterminé de transférer le marché aux herbes et légumes dans le terrain connu sous le nom de cimetière des Saints-Innocents, déclaré domanial par arrêt du 25 octobre 1785. Ce terrain a paru d’autant plus convenable à cette destination, que se trouvant à la proximité des halles dont il formera la continuation, il procurera aux habitants l’avantage de trouver réunies dans un même arrondissement, les denrées nécessaires à leur consommation. À quoi voulant pourvoir ; ouï le rapport. Le roy étant en son conseil, a ordonné et ordonne que le marché aux herbes et légumes qui se tient actuellement tous les matins dans les rues Saint-Denis et de la Féronnerie d’autres adjacentes, sera transféré et établi sur le terrain qui formait ci-devant le cimetière des Saints-Innocents ; après néanmoins que toutes les formalités et conditions prescrites par les lois canoniques et civiles, pour autoriser sa nouvelle destination, auront été remplies et que le dit terrain aura été disposé conformément aux plans qui ont été adoptés pour que le d. marché y soit établi de la manière la plus commode pour le public. Signé Hue de Miroménil et de Calonne.» (Archives du royaume, section administrative, registre E, no 2613). En 1786 l’église et les charniers des Innocents furent démolis ; on enleva les ossements et plusieurs pieds de terrain de ce cimetière, qu’on transporta hors de la barrière Saint-Jacques, dans les carrières voisines de la maison dite de la Tombe-Issoire. Toutes les constructions hideuses disparurent pour faire place à un établissement d’une grande utilité publique, le sol fut renouvelé, exhaussé, pavé. En 1813, on construisit autour de ce marché des galeries en bois où les marchands sont abrités. Le matin on vend en gros les denrées qui sont débitées en détail dans le cours de la journée.

Le marché des Innocents a été cédé à la ville de Paris, en vertu d’un décret impérial du 30 janvier 1811.

La perception du prix des places dans cet établissement a produit, en 1840, une somme de 68 320 fr. 80 c.

À l’angle formé par la rencontre des rues aux Fers et Saint-Denis, on voyait une jolie fontaine adossée à l’église des Innocents. Cette belle construction était due aux talents réunis de Pierre Lescot et de Jean Goujon. Lors de la démolition de l’église, on chercha les moyens de conserver ce précieux monument de la sculpture du XVIe siècle. Un ingénieur nommé Six proposa d’ériger une fontaine au centre du marché des Innocents, et de conserver pour la construction tous les éléments reproduits dans le gracieux monument de la rue aux Fers. Sa proposition fut heureusement adoptée ; on démolit d’abord, ou plutôt on détacha lentement et avec précision toutes les parties qui formaient la décoration de cette fontaine. Mais les deux faces de la décoration ancienne étaient insuffisantes pour orner les quatre côtés de la nouvelle fontaine, il fallait y suppléer par de nouveaux pilastres, de nouveaux bas-reliefs, ajouter, et c’était là le plus difficile, aux cinq figures de Naïades exécutées avec tant de grâce, par Jean Goujon, trois autres Naïades dans le même style. Voici de quelle manière on opéra : les pierres des deux faces anciennes furent employées à la construction des quatre faces, on les mêla alternativement avec des pierres nouvelles et toutes préparées, on donna aux unes et aux autres une teinte générale qui détruisit la différence de leur couleur. Par cet amalgame de pierres, par cette teinte commune qu’elles reçurent, l’ensemble du monument fut en harmonie parfaite avec ses anciennes parties, et son architecture conserva son caractère primitif, sans qu’on pût apercevoir aucun des nouveaux raccords. Les trois Naïades ajoutées sont dues à M. Sajou. L’artiste n’a pu leur donner cette beauté pleine de grâces et de naïveté qui distingue les compositions de Jean Goujon. Les sieurs L’Huillier, Mezières et Danjon ont exécuté les ornements et bas-reliefs qui restaient à faire. Cette fontaine est la plus jolie, la plus coquette de toutes celles qui décorent la capitale.

Innocents (passage du charnier des).

Commence à la rue Saint-Denis ; finit à la rue de la Lingerie, no 2. — 4e arrondissement, quartier des Marchés.

La formation de ce passage, qui doit son nom au Charnier des Innocents, a été autorisée en vertu de l’arrêt du conseil du 18 octobre 1669, dont nous avons donné un extrait à l’article de la rue de la Ferronnerie. Le grand bâtiment sous lequel se trouve ce passage appartenait, en 1789, au chapitre de Notre-Dame. Devenu propriété nationale, il fut vendu en 1791 avec l’obligation suivante commune à tous les acquéreurs : « L’adjudicataire sera tenu de contribuer pour un septième à l’entretien du grand passage de 4 pieds de largeur, régnant dans toute la longueur de la masse totale du bâtiment situé le long de la rue de la Ferronnerie et du marché des Innocents. Il sera aussi tenu de le laisser libre et ouvert au public tout le temps du jour qu’il est d’usage et de contribuer également pour un septième à l’entretien du pavé, dans toute sa longueur, ainsi qu’à celui des quatre grilles qui le ferment aux deux extrémités et sur le grand passage du milieu de la masse totale dudit bâtiment. »

Innocents (rue du charnier des).

Commence à la rue Saint-Denis ; finit à la rue de la Lingerie, no 2. Le dernier impair est 25. Pas de numéro pair ; ce côté est bordé par le marché des Innocents. Sa longueur est de 120 m. — 4e arrondissement, quartier des Marchés.

Elle a été livrée à la circulation vers 1786, époque de la formation du marché des Innocents. Les constructions qui bordent le côté gauche de cette rue ont été élevées en vertu de l’arrêt du conseil du 18 octobre 1669, que nous avons cité à l’article de la rue de la Ferronnerie. Il n’existe pas d’alignement arrêté pour cette