Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Denis (rue Saint-)


Denis (rue Saint-).

Commence à la rue Pierre-à-Poisson, no 2, et à la place du Châtelet, no 3 ; finit aux boulevarts Bonne-Nouvelle, no 1, et Saint-Denis, no 19. Le dernier impair est 393 ; le dernier pair, 402. Sa longueur est de 1 349 m. — Du no 1 à 23, 4e arrondissement, quartier du Louvre ; de 25 à 145, 4e arrondissement, quartier des Marchés ; de 147 à 295, 5e arrondissement, quartier Montorgueil ; de 297 à la fin, 5e arrondissement, quartier Bonne-Nouvelle ; le no 2 est du 4e arrondissement, quartier du Louvre ; de 6 à 202, 6e arrondissement, quartier des Lombards ; de 204 à la fin, 6e arrondissement, quartier de la Porte-Saint-Denis.

L’ancien village nommé Catalocum prit la dénomination de Saint-Denis, lorsque le saint martyr qui avait prêché la foi chrétienne dans les Gaules y fut inhumé. Son tombeau vénéré attira bientôt un immense concours de fidèles. Le chemin qui conduisait à ce mausolée se couvrit bientôt d’habitations. Dès 1134 une rue remplaçait le chemin, elle aboutissait à la rue d’Avignon ; en cet endroit on voyait une porte de ville qui faisait partie de la deuxième enceinte de Paris. Vers 1197, la rue Saint-Denis atteignait la rue Mauconseil où se trouvait une porte de la troisième enceinte de Paris commencée en 1188, par ordre de Philippe-Auguste. En 1418, cette voie publique était presqu’entièrement bordée de constructions jusqu’à la rue des Deux-Portes, aujourd’hui Neuve-Saint-Denis ; là, s’élevait une porte qui faisait partie de la quatrième enceinte construite sous les rois Charles V et Charles VI ; enfin, sous Louis XIV, la rue Saint-Denis était bâtie dans toute l’étendue qu’elle occupe encore aujourd’hui. Quant aux dénominations qu’elle a successivement portées, des actes nous apprennent que la partie située entre la place du Châtelet et la rue de la Ferronnerie, s’appelait en 1284 la Sellerie de Paris ; en 1393, la Sellerie de la Grand’rue en 1311, la Grand’rue des Saints-Innocents ; elle prit ensuite dans toute son étendue le nom de la Grant-chaussée de Monsieur Saint-Denis, puis celui de Grant-rue Saint-Denis, et enfin simplement la dénomination de rue Saint-Denis. — Une décision ministérielle du 22 prairial an V, signée Benezech, et une ordonnance royale du 31 janvier 1837, ont fixé la moindre largeur de cette voie publique à 13 m. Les maisons ci-après ne sont pas soumises à retranchement : nos 1, 67, 75, 77, 105, 107, 109, 111, 177, 183, 193, 199, 201, 203, 205, 207, 225, 227, 229, 237, 245, 247, 263, 271, 273, 275, 277, 279, 281, 283, 285, 293, 297, 299, 301, 303, 313, 331, 337, 339, 341, 343, 355, 379, 393 ; 2, 22, 122, 124, 126, 128, 130, 136, 148, les deux propriétés à l’encoignure gauche de la rue de Rambuteau, 158, 164, 192, 224, 226, 240, 242, 244, 264, 266, 268, 270, 272, 320, 322, 342, 344, 356, 358, 360, 384, 400 et 402. — Égout, 1o entre la place du Châtelet et la rue du Caire ; 2o depuis la rue Sainte-Foy jusqu’aux boulevarts. — Conduite d’eau entre la place du Châtelet et la rue des Filles-Dieu. — Éclairage au gaz (compe Française).

C’était, par la rue Saint-Denis que les rois et les reines entraient solennellement dans Paris. Toutes les rues, sur leur passage, jusqu’à la cathédrale, étaient tapissées d’étoffes de soie et de draps camelotés. Des jets d’eau de senteur embaumaient l’atmosphère ; le vin, l’hypocras et le lait coulaient de toutes les fontaines. Les députés des six corps de marchands portaient le dais royal ; les corps des métiers suivaient, représentant en habits de caractère, les sept Péchés mortels, les sept Vertus et la Mort, le Purgatoire, l’Enfer et le Paradis. Des théâtres étaient dressés de distance en distance ; on y jouait des scènes tirées de l’ancien et du nouveau Testament. Des chœurs de musique se faisaient entendre dans les intermèdes. — Froissard nous apprend qu’à l’entrée d’Isabelle de Bavière, il y avait à la Port-aux-Peintres rue Saint-Denis, « un ciel nué et étoilé très richement, et Dieu par figure séant en sa majesté le Père, le Fils et le Saint-Esprit, et dans ce ciel, petits enfants de chœur chantoient moult doucement en forme d’anges et lorsque la reine passa dans sa litière découverte, sous la porte de ce paradis, deux anges descendirent d’en haut, tenant en leur main une très riche couronne d’or, garnie de pierres précieuses, et la mirent moult doucement sur le chef de la reine en chantant ces vers :

Dame enclose entre fleurs de lys,
Reine êtes-vous de Paradis ?
De France et de tout le pays,
Nous remontons en Paradis. »

À l’angle méridional formé par les rues Saint-Denis et des Lombards, était située la principale entrée de l’hôpital Sainte-Catherine. L’époque exacte de sa fondation est inconnue. Les premiers documents qui mentionnent cet établissement sont deux lettres de Maurice de Sully, écrite en 1188. Le pape Honoré III voulut placer en 1222 cet hôpital sous la protection spéciale du saint-siège. Cette maison porta d’abord le titre d’hôpital des pauvres de Sainte-Opportune puis le nom de Sainte-Catherine. Administré en premier lieu par des religieux et des sœurs, cet établissement, à partir du XVIe siècle, ne fut confié qu’à des religieuses de l’ordre de saint Augustin, sous l’autorité d’un supérieur ecclésiastique nommé par l’évêque. Des lettres patentes données à Versailles au mois de mars 1688, confirmèrent l’établissement de ces religieuses ; leurs principales fonctions consistaient à loger, à nourrir les femmes qui cherchaient à entrer en condition, à faire enterrer au cimetière des Saint-Innocents les personnes tuées par accident dans les rues de Paris. La porte de cet hôpital était décorée d’une statue de sainte Catherine, sculptée en 1704 par Thomas Renaudin ; le peuple aimait beaucoup ces religieuses et les appelait ses Catherinettes. Cet hôpital fut supprimé au commencement de la révolution.

Une loi du 10 thermidor an III porte : — « Article 14. Le local occupé par les ci-devant Catherinettes, section des Lombards, où se trouvent actuellement les aveugles-travailleurs, est définitivement affecté à cet institut, à la réserve des grands corps de logis qui règnent le long des rues des Lombards et Saint-Denis et de ce qui, dans l’intérieur, serait inutile à leurs logements et ateliers. » Ces bâtiments furent vendus les 24 avril, 15 mai et 3 juillet 1812, par l’administration des hospices ; leur emplacement est représenté aujourd’hui par les nos 39, 41, 43, 45, 47 et 49 de la rue des Lombards. — Une ordonnance royale du 24 décembre 1817, autorisa l’administration de l’institut des Jeunes-Aveugles à aliéner ce qui restait de l’ancienne maison de Sainte-Catherine, pour en affecter le produit à l’achat de l’ancien collége Saint-Firmin. Cette vente fut effectuée le 6 août 1818, moyennant la somme de 193 000 francs.

La maison no 277 a été construite sur l’emplacement de l’église Saint-Sauveur, dont nous traçons ici l’origine. C’était, dans le principe, un oratoire connu sous le nom de Chapelle de la Tour, en raison d’une tour carrée qui y était contiguë, et qui ne fut démolie qu’en 1778. Dès le commencement du XIIIe siècle, cette chapelle était une succursale de Saint-Germain-l’Auxerrois. Il est présumable qu’elle fut érigée en paroisse vers 1250. Les bâtiments de cette église, en partie reconstruits sous le règne de François Ier, ne furent jamais achevés. L’église Saint-Sauveur renfermait les sépultures de plusieurs comédiens célèbres, tels que Turlupin, Gaultier-Garguille, Gros-Guillaume, Guillot-Gorju et Raimond-Poisson. Cette église ayant été ébranlée, lors de la démolition de la tour dont nous avons parlé, on fut obligé de l’abattre en 1787. On la reconstruisait sur les dessins de M. Poyet, architecte, lorsque la révolution ordonna la suspension des travaux. Devenue alors propriété nationale, elle fut vendue le 13 pluviôse an VIII.