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Messaline
PREMIÈRE PARTIE
Le Priape du Jardin royal
I
la maison du bonheur

Tamen ultima cellam
Clausit, adhuc ardens rigidæ tentigine vulvæ,
[Et lassata viris nec dum satiata recessit.]


Cette nuit-là, comme beaucoup de nuits, elle descendit de son palais du Palatin à la recherche du Bonheur.

Est-ce véritablement l’impératrice Messaline qui vient de dérober son corps souple à la gloire de soie et de perles de la couche de Claude César, et qui rôde maintenant par la rue obscène du Suburre, à pas de louve ?

Il serait moins inouï que ce fût la Louve même de bronze, la basse et allongée statue étrusque au col tors, aïeule de la Ville, gardienne de la Ville, au pied du Palatin, en face du figuier ruminal où abordèrent Romulus et Rémus, qui ait secoué de sa tétine insensible la lèvre arrondie des jumeaux royaux, ainsi qu’on renonce à une couronne d’or, et qui, après un bond du haut de son piédestal, choisisse un chemin à ses griffes, bruissantes ainsi que la traîne d’une robe trop chamarrée, parmi les tas d’ordures du faubourg.

Cette forme qui erre avec un froissis de traîne ou de griffes, c’est bien quelque chose comme une bête en chasse, mais que n’accompagne point l’odeur abominable de la louve.

A-t-on jamais senti le rut d’une statue ?

Or c’est un monstre plus infâme et plus inassouvi et plus beau que la femelle de métal, qui retourne à sa tanière : la seule femme qui incarne absolument le mot que, bien avant la Ville fondée, dès la première parole latine, on jette à la face des prostituées dans un crachat ou dans un baiser : Lupa, et cette