Page:La Nature, 1878, S2.djvu/58

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est là une étude, non-seulement très-nouvelle et, pour ainsi dire, à ses premiers débuts, mais qui ne dispose jusqu’ici que d’un très-petit nombre de matériaux ; nous ne saurions donc la pousser bien loin ; nous tâcherons plutôt de recourir, autant que faire se pourra, aux documents assez nombreux contenus dans les pages qui précèdent. Ces documents, auxquels nous renvoyons, joints à quelques autres choisis avec soin, suffiront pour donner une idée assez juste des phénomènes que nous avons à signaler. On doit les distribuer sous trois chefs.

Sous le premier, nous rangerons les modifications les plus générales, celles qui ont trait à la dimension, à la consistance des organes et des tissus, à leur durée plus ou moins longue, à leur renouvellement périodique, à certains moments et dans certaines saisons. On conçoit que ces sortes de modifications se soient manifestées dans un sens déterminé et sous l’empire de certaines circonstances, de manière à s’étendre à des catégories entières de végétaux, indépendamment du genre et de la provenance de ces végétaux.

Sous le deuxième chef, il faut placer les modifications d’une nature assez grave pour affecter un type organique et faire découvrir en lui des déviations assez prononcées pour servir de passage vers un autre type, au moyen de l’interposition d’un ou plusieurs termes transitionnels. Ce sont là, à proprement parler, les enchaînements de l’organisme, dans l’un et l’autre règne, enchaînements dont M. Albert Gaudry a publié dernièrement de si beaux exemples, empruntés à l’étude des mammifères tertiaires.

Le troisième chef enfin comprend toutes les diversités ou enchaînements d’un ordre purement spécifique, de nature à démontrer les variations successives de l’espèce et la filiation de chaque forme plus récente par une forme antérieure ou par une suite de formes antérieures, dont la moins ancienne serait inévitablement issue.

La stature ou dimension relative des divers organes, particulièrement du limbe foliaire ; si l’on préfère, le développement ou la réduction de celui-ci sont en étroite connexion avec la chaleur et l’humidité, soit seules, soit réunies et agissant de concert. On sait généralement que les êtres vivants et par conséquent les parties de ces êtres sont plus étendus, toute proportion gardée, dans les pays chauds que dans les pays froids ou tempérés ; on sait encore que cet effet se manifeste avec une énergie toute particulière si, comme cela arrive souvent, l’humidité est jointe à la chaleur. Les plus grands insectes, les plus grands reptiles, les végétaux les plus puissants, porteurs des feuilles les plus larges, viennent certainement de pays à la fois humides et chauds. Cependant, si le climat est à la fois chaud et sec, les dimensions iront en s’amoindrissant, parce que, dans ce cas, et je parle surtout en ceci du règne végétal, les plantes n’obtenant qu’en petite quantité le liquide servant de véhicule aux sucs nourriciers seront placées dans la nécessité d’acquérir des tissus résistants, peu extensibles, construits de façon à s’opposer à toute déperdition de substance, par conséquent coriaces. Si la chaleur diminue, mais que l’humidité persiste ou augmente, les plantes subissant cette influence verront s’accroître la dimension de leurs organes, le milieu aquatique favorisant nécessairement la taille des organismes mis en contact avec lui. Des deux causes combinées qui favorisent leur dilatation, l’une aura été déprimée, mais l’autre, conservant son activité, exercera son influence et tendra à produire des résultats analogues. C’est pour cela que certains végétaux du midi, plantés dans les contrées du nord et exposés à une plus grande humidité que dans leur pays d’origine, portent des feuilles plus amples, quoique moins fermes. Par le défaut de chaleur leur port perd de sa puissance, leur lige s’abaisse, mais leurs feuilles prennent de l’extension, sous l’influence de l’humidité, et elles deviennent plus larges qu’elles ne l’auraient été au contact d’un climat plus chaud, mais aussi plus sec C’est effectivement ce qui arrive au chêne vert, au figuier et au myrte lorsque ces arbres sont cultivés en Bretagne ou en Normandie, au milieu des brumes et des averses, loin des splendeurs du soleil méridional. Cte  G. de Saporta
Correspondant de l’Institut.

La suite prochainement. —