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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
DE L’ÉPOQUE TERTIAIRE.

(Suite. — Voy. p. 1 et 154.)
§II. — Période éocène.

Cette période est caractérisée, d’un côté, par l’établissement et la persistance de la mer nummulitique, qui découpe l’Europe sur un grand nombre de points, et déborde plus loin en Asie et en Afrique, de manière à constituer une sorte de méditerranée, dont celle de nos jours n’est qu’une image tres-réduite ; d’un autre côté, la chaleur semble croître en Europe, et les terres de notre continent se trouvent envahies par des formes végétales dont l’affinité avec celles de l’Afrique, de l’Asie australe et des îles de la mer des Indes se révèle clairement. En combinant ces deux points, on se rend compte de la double influence qui s’exerça à cette époque, et à laquelle est dû l’aspect général de la flore, ainsi que l’extension des types qui, une fois introduits ou propagés, ne quittèrent plus tard notre sol qu’à la suite de nouveaux changements dans l’orographie et dans le climat.

Pendant la durée de l’âge éocène, ou plus exactement, de la première partie de cet âge, la mer du calcaire grossier, occupe le bassin de Paris et s’étend jusqu’à Londres et en Belgique ; puis des oscillations se produisent, et à mesure que l’on s’avance vers la fin de la période, toutes les mers intérieures se retirent graduellement ; elles vont en se desséchant et s’amoindrissant, ou parfois elles cèdent la place à des eaux douces, dormantes ou fluviatiles.

Dans le midi de la France, particulièrement en Provence, ce sont des bassins lacustres qui se forment, et qui généralement persistent avec diverses variations durant le cours de la période suivante et encore au delà. La Provence, à partir de l’éocène jusqu’à l’invasion de la mer mollassique, a mérité le nom de région des lacs ; elle en était parsemée et peut-être que, chez elle, une configuration physique bien éloignée de celle qu’elle présente de nos jours a coïncidé avec la profusion des nappes dormantes qu’elle comprenait, et dont plusieurs ont dû être profondes, sinon très-étendues, et d’autres se convertir parfois en lagunes à demi saumâtres.

La mer nummulitique traversait diagonalement l’Europe, allant de Nice en Crimée, en suivant la direction de la chaîne des Alpes, dont ses dépôts, plus tard soulevés, constituent les hauts sommets sur une foule de points. Elle s’étendait encore vers les Pyrénées, en Espagne, en Italie, en Grèce, en Asie-Mineure, en Afrique, en Syrie, en Arabie, et, plus loin, jusqu’en Perse, dans les Indes et en Chine. C’est une des mers intérieures les plus vastes dont les annales géologiques aient eu à constater l’existence. L’aspect uniforme des roches sédimentaires qui lui doivent leur origine, atteste à la fois, l’étendue très-grande et l’unité de ce bassin, aussi bien que l’égalité des conditions biologiques établies dans son sein et sur ses bords.

La mer du calcaire grossier formait un petit golfe ou baie sinueuse, dont les limites ont beaucoup varié selon les temps, mais qui ne paraît avoir eu aucune communication directe avec la grande mer nummulitique. Les plantes recueillies autour de ce golfe, à Londres (Sheppy), en Belgique, auprès de Paris, témoignent de la chaleur qui régnait le long de ses plages, à tel point que l’on avait été d’abord tenté d’expliquer leur présence par des transports, à l’aide de courants marins qui les auraient amenées de régions lointaines. On est revenu plus tard de cette idée singulière, et, d’après une foule d’indices, on a pu constater au contraire que les mêmes formes dominaient partout à la périphérie de l’ancien golfe, et que ces formes rappelaient celles de l’Afrique austro-orientale et des îles ou rivages indiens.

C’est ainsi que des fruits, quelquefois très-gros, comprimés, anguleux, revêtus d’une enveloppe filamenteuse, et en tout assez analogues à des noix de coco, ont dû flotter à la surface des eaux, pour venir s’ensevelir dans les sables ou les dépôts vaseux du rivage ; ces fruits qui abondent sur plusieurs points de l’ancienne mer parisienne, ont été reconnus pour être ceux d’un Nipa, type indien qui sert de passage entre le groupe des pandanées et celui des palmiers et qui habite aujourd’hui les bords du Gange, vers l’embouchure de ce fleuve ; les Nipa,