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LA NATURE
REVUE DES SCIENCES
ET DE LEURS APPLICATIONS AUX ARTS ET À L’INDUSTRIE

LES PÉRIODES VÉGÉTALES
DE L’ÉPOQUE TERTIAIRE.
NOTIONS PRÉLIMINAIRES.

C’est à l’aide de débris épars des anciens organes, entraînés jadis au fond des eaux, tantôt recouverts de matières sédimentaires plastiques, tantôt encroûtés par le dépôt de substances minérales variées, et conservés à l’état d’empreinte ou bien encore incorporés à la roche elle-même, que les botanistes-paléontologues ont essayé depuis un demi-siècle, mais surtout dans le cours des vingt dernières années, de reconstituer les éléments de la végétation qui a recouvert la surface du globe aux diverses époques de la formation de son écorce. Ces dernières expressions sont empruntées aux premiers travaux d’Adolphe Brongniart, une de nos gloires nationales, dont la botanique fossile, qu’il avait eu l’honneur de fonder en France, a déploré récemment la perte[1]. On conçoit que l’eau ayant été le véhicule principal et des sédiments et des végétaux dont les sédiments ont empâté les fragments et gardé les vestiges, les empreintes fossiles se soient multipliées de préférence au fond de certaines lagunes et de certains estuaires, dont les bords étaient à la fois favorables au développement des plantes et à l’apport des argiles, de la vase ou du sable fin, dans lesquels ces plantes ont pu aisément laisser tomber leurs feuilles, leurs fleurs, leurs fruits ou des portions de leur lige, entassés à l’état de résidus. L’idée d’attribuer cette conservation à des déluges, à des catastrophes subites, à des destructions violentes et universelles, a été abandonnée à mesure que les fossiles végétaux ont été examinés de plus près. Les lits qui recouvrent ou accompagnent les charbons minéraux de toutes les époques sont généralement riches en empreintes végétales, non pas par l’effet de quelque submersion rapide de l’ancien sol où elles croissaient, mais uniquement par la raison que les combustibles tir&s du sol : anthracites, houilles ou lignites, n’ont pu se produire qu’à la façon de nos tourbes par l’accumulation lente, au sein de vastes marécages, de tous les débris carbonisés des plantes qui les encombraient. Lors donc qu’un terrain se trouve riche en lits de charbon, il faut simplement en conclure que la région au sein de laquelle ces charbons se sont formés était couverte à un moment donné de lagunes peuplées de plantes aquatiques et que l’état de choses qui favorisait le développement de ces plantes eut autrefois une durée suffisante pour permettre aux détritus provenant de leurs débris décomposés de s’accumuler au fond des eaux. Ces résidus se sont ensuite convertis, au moyen d’une opération chimique bien connue, favorisée par la présence de l’eau, en un lit plus ou moins épais de combustible. Si d’autres lits, schisteux ou compactes, ont recouvert les premiers et renferment des empreintes, c’est qu’à l’action des seuls végétaux livrés à eux-mèmes, s’entassant et se décomposant peu à peu, est venue se joindre celle d’un apport de sédiment, susceptible de recouvrir les végétaux vivants ou récemment détachés et de les soustraire à la destruction, en leur fournissant un moyen de conservation.

Il est parfaitement naturel que les terrains et les dépôts dont nous parlons aient attiré l’attention avant les autres, non-seulement comme les plus riches, mais aussi comme ayant été l’objet d’explorations et de travaux suivis, entrepris dans un but d’utilité pratique. C’est ainsi que les houillères et les plantes si nombreuses et si curieuses qui les accompagnent ont été connues depuis très-longtemps et étudiées, alors que les espèces des terrains plus récents étaient encore ignorées ou négligées comme insignifiantes.

L’histoire du globe et des êtres vivants qu’il renferme remonte à une antiquité prodigieuse ; les siècles se comptent par milliers, peut-être même par centaines de milliers, dans la succession de ces

  1. Voy. 4e année 1876, 1er semestre, p. 337.