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LA NATURE.

dans le vaste ensemble des mouvements qui animent les espaces célestes.

Pour mesurer le mouvement du système d’une étoile double, on observe, avec la plus grande précision possible, la variation de la position d’une étoile par rapport à l’autre. Quand les deux étoiles diffèrent d’éclat (ce qui est le cas général) l’observation n’est pas très-difficile ; on rapporte la situation de la plus petite à celle de la plus grande, comme si celle-ci restait immobile. Supposons, par exemple, qu’en une certaine année, on ait remarqué que la petite étoile était juste verticalement au-dessus de la grande. Quelques années plus tard, on constate qu’elle a changé de place, et se trouve un peu sur la droite. Plus tard encore, on remarque un déplacement considérable. Il arrive une époque où elle se trouve juste horizontalement à la droite de l’étoile principale. Puis, continuant de tourner dans le même sens, elle descend, et, marchant vers la gauche, arrive à se placer au-dessous. Après avoir accompli sa courbe inférieure, elle remonte, passe à gauche de sa brillante voisine et peu à peu revient vers sa place où nous l’avons signalée en commençant.

Lorsqu’on a pu suivre ainsi la marche de l’étoile secondaire autour de l’étoile primaire, ou au moins une partie notable de cette marche, on connaît l’orbite apparente qu’elle décrit autour de ce foyer. L’observation est plus difficile si les deux composantes sont du même éclat, parce qu’on peut prendre l’une pour l’autre ; l’appréciation est plus lente et plus délicate. Sur le nombre immense d’étoiles doubles, il n’y en a encore que quinze qui aient fourni des mesures suffisantes pour permettre de déterminer l’ellipse parcourue et la période de révolution.

Pour nous rendre compte de la nature de ces systèmes d’étoiles doubles, et apprécier comme elle le mérite cette branche de l’astronomie sidérale, il est nécessaire de prendre un exemple et de construire nous-mêmes l’une de ces orbites.

L’une des étoiles doubles qui se trouvent dans des circonstances favorables pour être exactement et définitivement déterminées, est l’étoile ζ (zêta) de la constellation d’Hercule. C’est une étoile de 3e grandeur, visible à l’œil nu. Au télescope, elle est double, formée d’une étoile jaunâtre de 3e grandeur et d’une étoile rouge de 6e.

Les observations de cette étoile double sont nombreuses, et on en a qui datent du siècle dernier. En les réunissant, les discutant et les comparant avec la position actuelle de ce couple dans le champ du télescope, je suis arrivé à pouvoir construire l’orbite apparente décrite par la seconde étoile autour de la première et déterminer avec exactitude le temps qu’elle emploie à faire sa révolution.

La position de l’étoile secondaire se détermine par l’angle qu’elle fait avec une ligne arbitraire prise comme origine pour compter. Ainsi supposons qu’on fasse traverser l’étoile principale par une ligne verticale et par une ligne horizontale. Supposons, d’autre part, que l’étoile soit au méridien et que la ligne verticale soit dirigée du nord au sud et la ligne horizontale de l’est à l’ouest, c’est par la position de l’étoile secondaire à gauche ou à droite de la ligne verticale, et au-dessus ou au-dessous de la ligne horizontale que l’on constate sa situation relativement à l’étoile principale.

La ligne menée de l’étoile principale vers le nord marque l’origine, c’est-à-dire 0 degré. Par conséquent, la ligne perpendiculaire menée à droite vers l’est marque le premier angle droit, ou 90 degrés ; la ligne menée au sud, et qui n’est que le prolongement de la première, marque le 2e angle droit ou 180 degrés ; enfin la ligne menée à l’ouest, et qui est le prolongement de la seconde, marque le 3e angle droit ou 270 degrés. On voit que si l’étoile secondaire est juste au nord de la principale, sa position est de 0 degré. Si elle est juste à l’est, sa position est 90 degrés. Si elle est entre ces deux directions, sa position est de 45 degrés, etc.

Un appareil spécial, auquel on a donné le nom de micromètre, sert à prendre cet angle de position ainsi que la distance qui sépare les deux étoiles l’une de l’autre.

Appliquons cette méthode de mesure à l’étoile double que nous avons choisie pour exemple.

Dirigeons la lunette sur elle, et mesurons l’angle de position et la distance des deux étoiles. Nous trouvons que l’étoile secondaire est actuellement, en 1874, au sud de l’étoile principale et à droite de la ligne nord-sud ou 0°-180° (voy. la figure en plaçant verticalement cette ligne 0°-180° et le zéro en bas). L’étoile secondaire est en haut pendant ces années-ci, parcourant les positions où elle se trouvait déjà vers 1840. Comme nous comptons les angles en allant vers la droite et en faisant le tour, en passant par 90, 180 et 270, nous voyons que l’angle de position cherché est actuellement, en 1874, égal à 160 degrés environ.

Pour connaître le mouvement de cette étoile, cherchons quelle place on a constatée il y a dix ans, vingt ans et davantage, nous trouvons que :

En 1868, l’angle était de  220 degrés ;
en 1862, 0
en 1857, 60
en 1852, 84
en 1847, 111
en 1842, 145
en 1837, 175
en 1832, 220
en 1826, 23

Nous avons par là une première idée de sa révolution, puisque nous voyons que de 1832 à 1868 elle était revenue à peu près au même point. Pour déterminer aussi rigoureusement que possible la durée de cette révolution et la forme de son mouvement, il faut continuer ces recherches sans s’arrêter à ce petit nombre, relever toutes les mesures de positions et de distances qui ont été faites par les astronomes des différents pays, les discuter, afin de sentir quelles sont les plus sûres et les plus exactes, choisir de