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LA NATURE.

des pyrophores noctiluques de la Havane, et ressemble à la couleur des lanternes de certaines voitures publiques. L’analyse de cette lumière a été faite alors au spectroscope par MM. Pasteur et Gernez[1]. Le spectre en est fort beau, mais continu, sans aucune apparence de raies. On était auparavant arrivé au même résultat pour le spectre de la phosphorescence des lampyres ou vers luisants, autres coléoptères, et aussi des lombrics phosphorescents (annélides).

Dans l’ancien monde existent, dans quelques îles de la Mélanésie, des élatériens analogues aux pyrophores de l’Amérique, et doués aussi de la phosphorescence avec les mêmes organes. M. Candèze en a formé le genre photophorus, comprenant actuellement trois espèces, des Nouvelles-Hébrides, des îles Viti, de l’île Lifu.


LES ÎLES DES NAVIGATEURS

Les îles Samoa, ou des Navigateurs, forment un des archipels les plus intéressants des parages qui avoisinent le port d’Apia, en Océanie ; elles ont, dans ces derniers temps, attiré l’attention des Américains et des Allemands et commencent à jouer un rôle assez important dans le commerce général des pays civilisés. La Gazette d’Augsbourg publie une correspondance curieuse, envoyée d’Apia, sur la description des îles des Navigateurs, et sur les mœurs de leurs habitants, dont le nombre s’élève environ à 60 000 âmes. Les renseignements fournis par la feuille allemande ont été traduits dans le Journal officiel, auquel nous empruntons quelques documents du plus haut intérêt.

Sous les rapports physique et intellectuel, les insulaires des îles Samoa sont supérieurs à ceux des autres archipels, bien qu’ils n’aient pas renoncé à toute velléité de cannibalisme. Le sol y est d’une fertilité extraordinaire. Cependant jusqu’ici les seuls articles d’exportation ont été l’huile de noix de coco, la racine d’arrow, le caoutchouc, la fève de ricin, le gingembre, le café, le tarro, la racine de yam, le fruit de l’arbre à pain et le coton. On y pourrait planter du riz et du sucre ; mais la population est trop indolente, et il faudrait, pour augmenter la production, des émigrants européens apportant leurs bras et leurs capitaux.

Pendant les quatre dernières années, une guerre sanglante a régné entre les différentes îles, chacune prétendant à la suprématie. On a enfin conclu la paix, et il en est sorti une espèce de république fédérale, sous l’administration temporaire d’un président résidant à Apia. Habitués de longue date au maniement de la massue, de l’arc et de la lance, les indigènes ne sont pas encore très-familiers avec les armes à feu, bien que ces dernières se trouvent dans presque toutes les mains. Dans la chaleur du combat, ils se ruent les uns sur les autres, et frappent avec la crosse, ne commençant à tirer que lorsqu’ils sont derrière leurs remparts. Le tomahawk des Indiens d’Amérique joue aussi son rôle.

Après une bataille, les femmes se rendent dans le camp ennemi pour réclamer les têtes coupées. Dans l’accomplissement de cette mission, elles sont tenues pour sacrées, et nul n’oserait porter la main sur elles. D’ailleurs, elles sont l’objet de plus de respect que chez d’autres tribus sauvages ; elles ne travaillent pas comme chez les Indiens ; ce sont les hommes qui font les ouvrages les plus durs. La polygamie leur est inconnue ; cependant, le mariage n’y est soumis à aucune formalité. Quand un garçon et une fille se conviennent, ils s’unissent, jurant de marcher ensemble dans la vie, et ce lien est considéré comme légal.

Le teint des indigènes est d’un sombre olivâtre ; mais les enfants nés de blancs et de femmes du pays ont le teint beaucoup plus clair, avec une peau transparente.

Dans l’absence d’une loi écrite, les chefs des différentes tribus se sont adressés récemment à quelques consuls étrangers pour leur demander leur concours dans la rédaction d’un code.


LES PIERRES QUI TOMBENT DU CIEL

(Suite. — Voy. 87, 292, 324.)

Jusqu’ici on ne connaît que quatre chutes bien constatées de météorites charbonneuses. Chronologiquement, ce sont celles d’Alais (Gard) le 15 mars 1806 ; de Cold-Bokkeweld, cap de Bonne-Espérance, le 13 octobre 1838 ; de Kaba, Hongrie, le 15 avril 1857, et d’Orgueil (Tarn-et-Garonne), le 14 mai 1864. Cette dernière, dont un échantillon est représenté dans la figure ci-dessous, a été spécialement étudiée. M. Cloëz a pu en isoler la matière organique pour la soumettre à l’analyse, et lui a trouvé une composition qui la rapproche tout à fait de la matière humique que l’on trouve dans les tourbes et les lignites et des substances dites résines fossiles, comme l’ozokérite et la scheerérite.

Dans les météorites charbonneuses, le charbon libre et les matières organiques sont mélangées à des particules pierreuses dont les plus abondantes consistent en silicates magnésiens hydratés voisins de la serpentine. On y trouve aussi de la pyrite magnétique, des cristaux de breunérite ou carbonate double de fer et de magnésie, et enfin des sels solubles tels que le chlorhydrate d’ammoniaque, le chlorure de sodium, le sulfate de soude, etc., etc. C’est une composition qui, comme on le voit, diffère profondément de celle de toutes les autres météorites. Une propriété très-remarquable des pierres charbonneuses est de se désagréger complètement sous l’influence de l’eau, pour reprendre d’ailleurs leur cohésion première sous l’action de la dessiccation.

  1. Comptes rendus, t. LIX, p. 509 (19 septembre 1864).