Page:La Nature, 1873.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.
292
LA NATURE.

(21 septembre 1873) : son nom ne périra pas, et restera comme une des grandes gloires de la chirurgie française.


LES PIERRES QUI TOMBENT DU CIEL.

(Suite. — Voy. p. 87.)

On a admis, pendant fort longtemps, que les météorites des diverses chutes étaient identiques entre elles, sous tous les rapports, ou au moins fort peu différentes les unes des autres. Cette opinion, pour le dire en passant, a même été fort utile, pour amener les savants à reconnaître la réalité du phénomène qui nous occupe : de ce que les pierres étaient toutes semblables entre elles, on concluait plus aisément que leur origine était commune. Aujourd’hui, au contraire, on a reconnu qu’il existe autant de variétés entre les météorites qu’entre les roches terrestres, et on en est même arrivé à ce point que leurs caractères communs se bornent à fort peu de chose. Ce qui frappe tout d’abord, quand on regarde une série de météorites, c’est l’irrégularité de leur forme extérieure. Leurs angles, sans doute vifs à l’origine, sont émoussés comme par l’effet d’un frottement énergique ou longtemps continué : il suffit, en effet, de les comparer aux blocs de roches terrestres, ayant subi l’exercice d’actions analogues pour reconnaître une identité dans les formes générales. Un second caractère général des météorites est l’existence, à leur surface, d’une écorce noire extrêmement mince et tout à fait caractéristique. Toutefois, elle n’est pas identique chez les diverses météorites. Ordinairement d’un noir mat, elle est, au contraire, très-luisante chez certaines pierres que nous citerons tout à l’heure ; et même une météorite tombée, en 1843, à Bishopville, aux États-Unis, offre une croûte luisante qui est presque blanche. À part ces deux caractères de forme fragmentaire et de surface vernissée, les masses qui tombent du ciel ne nous offrent rien de général à noter ; en les examinant nous verrons surgir entre elles de profondes différences.

Lorsqu’on passe en revue une collection de ces corps, ce qui attire nécessairement l’attention, c’est l’existence, parmi elles, de masses n’ayant aucuns analogues parmi les roches terrestres : elles sont composées de fer métallique compacte. On les désigne depuis très-longtemps sous le nom de fers météoriques, et, par opposition, d’autres sont appelées pierres météoriques. Entre ces deux termes extrêmes on trouve des masses qui établissent des transitions presque insensibles.

Ce fait de la présence ou de l’absence du fer métallique paraît être le meilleur caractère pour faire les grandes divisions parmi les météorites. Mais, en examinant les choses de plus près, on reconnaît que les pierres absolument dépourvues de ce métal sont extraordinairement rares. La plupart des météorites contiennent à la fois, et, même quand la première apparence ne le ferait pas croire, du fer et de la pierre en proportion d’ailleurs extrêmement variable. Mais la situation relative de ces minéraux est loin d’être toujours la même. Tantôt la pierre est à l’état de grains englobés dans le fer, tantôt, au contraire, le métal est en grenailles disséminées dans la pierre. C’est d’après de pareilles considérations que M. Daubrée a établi chez les météorites les quatre grandes divisions que représente le tableau ci-dessous :

Météorites 
Contenant du fer métallique 
Ne contenant pas de pierre 
Holosidères.
Contenant à la fois du fer et des matières pierreuses. 
Le fer constituant un réseau où sont englobés des grains pierreux. 
Syssidères.
Le fer constituant des grenailles disséminées au milieu d’une gangue pierreuse. 
Sporadosidères.
Ne contenant pas de fer métallique
Asidères.

Les holosidères, ou fers météoriques, constituent des roches très-singulières, non-seulement si on les compare aux roches terrestres, mais même si on les compare aux autres météorites. Ils sont formés d’un métal compacte tout à fait pareil, pour l’aspect et les principales propriétés physiques, à l’acier le mieux fabriqué. La chute de ces fers est beaucoup plus rare que celle des météorites des autres groupes. Ainsi, depuis plus de 120 années, on n’a observé dans l’Europe entière que quatre chutes d’holosidères, et même l’une de ces chutes est douteuse. Elles ont eu lieu à Hraschina, près d’Agram, en Croatie, le 26 mai 1751 ; à Eaufromont, dans les Vosges, en décembre 1842 (c’est celle-ci qui est douteuse) ; à Braunau, en Bohême, le 14 juillet 1847 ; enfin à Tabarz, en Thuringe, le 18 octobre 1854. Cette rareté contraste avec le nombre relativement très-grand des chutes de