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LA NATURE.

seille dépensa 20 000 francs, et Arles 25 000 fr. de primes payées pour la destruction des acridiens, à raison de 25 centimes par kilogramme d’insectes et 50 par kilogramme d’œufs ; dans cette année furent recueillis 122 000 kilogrammes d’orthoptères et 12 200 kilogrammes d’oeufs. Le fléau reparut plusieurs fois dans notre siècle. En 1805, une chasse dans la petite commune de Château-Gombert produisit 2 000 kilogrammes d’œufs. Le criquet italique (voir précédemment) fut l’espèce qui produisit cette année le plus de ravages dans les cantons de Saint-Martin, Saint-Servan, Château-Gombert, le plan des Caques et les Olives, du territoire de Marseille. C’est la même espèce qui, un peu plus tard, en 1809 et dans les années suivantes, envahit en grandes troupes obscurcissant le soleil les provinces méridionales du royaume de Naples, surtout la terre d’Otrante et la terre de Bari. En 1820 et 1822, les criquets ravagèrent les territoires d’Arles et des Saintes-Maries ; en 1824, ils reparurent plus nombreux dans les mêmes localités ; la dépense fut de 5 542 francs pour 65 861 kilogrammes aux Saintes-Maries, aux prix indiqués, et 6 600 kilogrammes à Arles. On en remplit dans ces deux localités 1 683 sacs à blé. En 1825, le mal est pire, car les mêmes communes dépensent 6 200 francs, ce qui suppose 82 000 kilogrammes d’insectes. En 1832, soixante et une personnes recueillirent aux Saintes-Maries 1 979 kilogrammes d’œufs et 3 808 en 1833, y compris, il est vrai, le poids de la terre des coques ovigères. Les diverses espèces européennes que nous avons énumérées se partagent les dégâts.

Pour remédier au mal, on commence la chasse des insectes en mai, et elle a lieu surtout en mai et juin. La plupart des femmes et des enfants des Saintes-Maries, d’Arles, de Saint-Jérôme, etc., y sont occupés une partie de l’été. On se sert d’un drap de toile grossière dont quatre personnes tiennent chacune un bout. Les deux qui marchent en avant font raser le sol par le bord du drap, et les deux qui suivent tiennent élevé le bord postérieur, de manière à ce que le plan de la toile fasse avec l’horizon un angle d’environ 45°. Les insectes, forcés de s’élever pour fuir, sont ainsi recueillis par la toile qui s’avance au-dessus d’eux, et on les jette dans des sacs quand on en a ramassé une certaine quantité. On peut se faire une idée de la quantité prodigieuse de ces insectes quand on saura qu’un paysan en a pris, en un seul jour, jusqu’à 50 kilogrammes, en ne se servant pour cela que d’un filet de toile analogue à celui des entomologistes. On peut évaluer à 1 600 coques à œufs le nombre qui est contenu dans le kilogramme, chaque tube contenant de 50 à 60 œufs ; c’est donc environ 80 000 œufs par kilogramme. Un enfant exercé peut en récolter 6 à 7 kilogrammes par jour, et se les procure en piochant près des rocs et dans les parties où la terre a le moins d’épaisseur. On récolte les œufs en août, septembre et surtout octobre.

Maurice Girard.

La suite prochainement.


CARBONISATION ÉPIGÉNIQUE DU DIAMANT

On croyait avoir épuisé l’histoire chimique du diamant au commencement de 1870, lorsqu’un accident de fabrication arrivé à MM. Laurier, riches joailliers de Marseille, vint ouvrir une nouvelle série de recherches auxquelles personne n’avait songé jusqu’à ce jour.

La guerre franco-allemande, qui éclata bientôt après, fit perdre de vue à nos savants ces horizons nouveaux et les faits remarquables que nous allons décrire passèrent presque inaperçus en France. Mais les Allemands ne les ont pas laissé perdre, ils s’en sont emparés ; comme par droit de conquête, G. Rose, de Berlin, en fait l’objet d’un long mémoire qu’il publie triomphalement dans le numéro de mars des Annales de Poggendorf, pour 1873. Bon Allemand, ce pirate scientifique ne fait que citer M. Marrens du bout des lèvres, quoiqu’il n’ait rien ajouté d’essentiel à la communication originale qu’on peut lire dans les Comptes rendus de notre Académie des sciences.

Le seul service rendu par l’auteur allemand, c’est qu’il a accompagné son travail de quelques figures. Nous avons fait copier la plus intéressante d’entre elles.

MM. Laurier avaient à émailler le support en or de deux diamants d’un grand prix servant de boutons de chemise. Ils crurent que le diamant soustrait à l’influence de l’air et chauffé dans un moufle ne serait point attaqué à la température relativement assez basse, suffisante pour exécuter l’opération de l’émaillage. Quelle ne fut pas leur surprise en s’apercevant que la surface du diamant s’était couverte de taches noirâtres, semblant provenir de ce que le charbon dans lequel il avait été enfermé s’était soudé à la surface ! Passé à la meule, le diamant reprit son éclat primitif. L’altération n’avait été que superficielle.

M. Marrens, consulté, choisit des diamants de belle eau et de taille régulière, qu’il fit chauffer et qu’il soumit à l’action de l’air pendant un temps très-court. Puis il examina le diamant qui avait subi cette opération avec un microscope grossissant 360 fois.

Le physicien de Marseille aperçut sur les faces polies de la pierre de nombreuses petites facettes produites par l’apparition de triangles équilatéraux. Ces triangles appartiennent à des octaèdres juxtaposés et orientés avec précision, de manière à envoyer à l’œil le reflet de toutes les faces triangulaires homologues. Lorsque l’action est exercée sur des diamants à facettes courbes, propres à couper le verre, les facettes se réunissent de manière à former de longs filaments affectant la forme de véritables arabesques. En examinant ces filaments avec un pouvoir grossissant considérable, on voit qu’ils sont formés de facettes triangulaires semblables à celles qui se montrent isolées dans les autres parties de la surface. La seule différence est que ces prismes sont fortement serrés