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LA NATURE.

divers alliages, qui se sont concrétés autour des grains pierreux. Ce point est très-important, en ce qui concerne l’origine de ces curieuses masses. La nature des grains pierreux est variable suivant les cas et leur étude est très-instructive.

L’un des syssidères le plus célèbre est celui qu’on appelle le fer de Pallas, et dont la figure 2 donne la représentation. C’est comme une éponge de fer dont les vacuoles sont remplies de cristaux parfaitement nets du minéral appelé péridot. Il fut trouvé, en 1776, par l’illustre naturaliste russe Pallas, à Krasnojarsk, en Sibérie, où l’avait apporté peu de temps avant un cosaque forgeron. Celui-ci l’avait trouvé sur une haute montagne voisine de l’Iénisséi, et son aspect, absolument différent de toutes les roches du pays, avait conduit les habitants à lui attribuer des vertus surnaturelles. La masse pesait 700 kilogrammes, et l’on peut voir, au Muséum, un moulage en carton qui reproduit sa forme originelle ; mais elle a été débitée en un nombre immense d’échantillons, répartis entre les diverses collections du monde.

Parmi les autres masses, faisant partie du groupe des syssidères, nous devons en citer deux dont la nature est particulièrement significative en ce qui concerne l’origine des météorites. L’une d’elles provient du désert d’Atacama, au Chili. À première vue, elle ressemble beaucoup au fer de Pallas, et sa partie métallique est même identique à celle de celui-ci, mais sa portion pierreuse en diffère tout à fait. Au lieu d’être formée par des cristaux de péridot, elle consiste en fragments anguleux d’une roche appelée dunite, et qui se compose de péridot granulaire associé à du fer chromé. La seconde masse, vient aussi du Chili, de la cordillère de Deesa, près de Santiago, et présente des caractères tout à fait exceptionnels ; sa portion métallique, quoique de même composition que le fer de Caille, ne donne pas par les acides les figures de Widmannstætten, et sa portion pierreuse consiste en fragments irréguliers d’une roche noire, très-dure et très-complexe elle-même de composition. Le fer de Deesa joue un très-grand rôle dans ce que nous appellerons la géologie des météorites.

Stanislas Meunier.

La suite prochainement.


COSTE

Coste (Jean-Jacques-Marie-Cyprien-Victor), célèbre naturaliste français, que nous venons de perdre, était originaire du département de l’Hérault. La petite ville de Castries, située au milieu d’un des plus riants cantons des environs de Montpellier l’a vu naître, il y a bientôt 66 ans. Son enfance s’est écoulée dans ce riant et fécond département, véritable jardin de la France méridionale, patrie de Cambon, de Daru, de Cambacérès, de Barthez, de Viennet, de tant d’hommes célèbres dans tous les genres. Dès sa plus tendre enfance, Coste donna les signes de cette riche et puissante organisation, qui lui permit d’acquérir sans travail apparent, par une sorte d’intuition artistique, les connaissances les plus ardues. Les séductions de son heureuse nature méridionale lui valurent au sortir du collège, et pendant qu’il était encore sur les bancs de l’École de médecine, l’amitié de Delpech, le restaurateur de la grande chirurgie dans les départements du Midi.

Ce dernier, qui avait une rare intelligence et un esprit élevé, ne tarda point à apprécier la valeur du concours qu’il pouvait trouver dans cette jeune activité. Il commença par faire de Coste son chef de clinique, puis il l’associa à ses difficiles recherches sur le développement des embryons. On vit deux auteurs, l’un au début de la carrière, l’autre dans tout l’éclat de sa réputation, apporter de Montpellier à l’Académie, au mois de novembre 1831, un Mémoire sur le développement du poulet dans l’œuf. Les auteurs s’étaient mis en mesure de répéter devant l’Académie toutes les expériences qu’ils avaient exécutées dans le fond de leur province. Ils avaient eu l’audace de tenter un véritable tour de force, car ils ne se proposaient rien moins que de présenter en une seule séance des œufs à toutes les périodes de l’incubation. Le succès d’une tentative un peu hors de saison, à une époque où les œufs deviennent rares, ne pouvait être complet. Cependant le rapport de Flourens fut des plus favorables. Ampère loua beaucoup les expérimentateurs d’avoir signalé les analogies remarquables que présentent les phénomènes de l’évolution embryologique pendant les premières périodes, avec les transformations qui s’accomplissent dans les corps inorganiques quand on les soumet à l’action d’un courant voltaïque de longue durée et de faible intensité. C’est à cette époque que M. Becquerel père commençait à publier ces belles recherches, qui ne sont pas encore épuisées, sur l’action de l’électricité dans la production de certaines cristallisations.

Le choléra, qui devait produire tant de ravages, et s’élever en quelque sorte à la hauteur d’un évènement politique, avait envahi l’Angleterre. Le gouvernement de Juillet avait envoyé à Sunderland le célèbre Magendie. Delpech n’hésita pas à prendre volontairement le rôle de commissaire investigateur, accompagné par M. Jules Desfourneaux, qui fit avec générosité les frais de l’expédition, et de son inséparable le docteur Coste, il se rendit en Angleterre pour suivre la piste du mal épouvantable devant lequel chacun fuyait.

Les trois associés furent reçus avec distinction par le prince de Talleyrand, alors ministre de France auprès de la cour de Saint-James, et ils se rendirent sans perdre de temps à Newcastle, alors le foyer de l’épidémie. Après différentes pérégrinations qu’il serait trop long de raconter, les trois Français tombèrent malades à Masselborough, petite ville des environs d’Édimbourg ; on était alors vers le 10 février. Quoique le jeune Coste eût été le plus sérieusement