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LA NATURE.

cœur de la mêlée comme un signal de rendez-vous à tous les hommes de bonne volonté. Quelle que soit leur bannière habituelle, ils peuvent sans la trahir passer quelques jours au moins à l’ombre de celle qui n’a d’autre devise que les mots science et patrie. Qu’ils viennent donc grossir nos rangs où les attendent à coup sûr d’heureuses surprises. Ils y apprendront à se rendre justice ; et tels qui se croient aujourd’hui adversaires irréconciliables, seront demain alliés sérieux, plus tard peut-être amis dévoués. La science les unira. Quiconque aime le vrai doit aimer la science, cette lumière de l’esprit qui chasse l’erreur d’où qu’elle vienne, comme le soleil dissipe la brume sortie de la fange d’un fleuve ou descendue du ciel. Quiconque aime son pays doit aimer la science, qui seule peut forger les armes nécessaires aux luttes de tout genre du présent et de l’avenir. »

Nous ne saurions trop approuver ces nobles paroles ; certes l’avenir est à la science, qui seule est capable de rapprocher les partis, s’ils professent l’amour de la vérité et du progrès. Le discours de M. de Quatrefages a eu surtout pour but de faire valoir l’importance de l’enseignement scientifique, qui doit former les véritables hommes de l’avenir ; les arguments abondent dans les bonnes causes ; ils n’ont pas fait défaut à l’orateur. Puisse-t-il avoir été entendu quand il a dit : « Nous voulons voir la science avancer et se répandre dans notre pays naguère si cruellement éprouvé ! Tous nous avons pleuré les malheurs de la France ; tous nous souffrons de la plaie que ses désastres sans exemple lui ont laissée au flanc ; tous nous songeons à l’avenir. La grande tâche de l’Association française est de le préparer en montrant la route qui conduit au but, en indiquant les armes qui, dans les luttes de la paix ou de la guerre, peuvent seules donner la victoire. »

Ce discours a été suivi par la lecture du compte rendu des travaux de l’Association par le docteur C. M. Gariel, remplissant les fonctions de secrétaire en l’absence de M. Levasseur. M. G. Masson, trésorier, a pris ensuite la parole pour donner le compte rendu de la gestion financière de l’Association. « Les souscripteurs annuels étaient au 31 juillet au nombre de 659, soit 172 de plus que lors de la session de Bordeaux. Ces nombres augmentent de jour en jour … tels qu’ils sont ils nous assurent pour l’exercice 1873 un revenu de près de 24 000 francs ; ils témoignent d’une prospérité toujours croissante et toujours plus en rapport avec le but élevé que vous poursuivez. »

Après cette première séance, les membres du Congrès procèdent à l’élection des bureaux, dans leurs diverses sections.

Le soir a eu lieu, à huit heures, au palais de la Bourse, une conférence publique faite par le célèbre naturaliste M. E. Karl Vogt. Les volcans formaient le sujet de la séance. M. Vogt a parlé longuement, à l’occasion des feux souterrains, du phénomène des tremblements de terre. Il croit qu’il est erroné d’en rapporter les effets au feu central : il suppose que les tremblements de terre sont dus aux réactions chimiques produites par le contact de l’eau avec des métaux alcalins, qui se rencontreraient dans les profondeurs de l’épiderme terrestre.

Les séances de la section des sciences médicales de l’Association ont eu lieu à compter du 22 août : elles se sont signalées par un certain nombre de communications d’un grand intérêt. Les travaux de M. Ollier, sur les moyens chirurgicaux pour activer l’accroissement des os chez l’homme, ceux de M. Chauveau sur la transmission de la tuberculose par voie digestive, ceux de M. Blanc sur le traitement du choléra, ont surtout excité l’attention. Nous continuerons à mentionner les faits importants du congrès de Lyon, et nous parlerons prochainement des excursions scientifiques qui viennent d’être entreprises, et de la belle réception qui a été faite aux membres de l’Association par la ville de Genève.

La suite prochainement.


LE CANON RUSSE DE 40 TONNES
À L’EXPOSITION DE VIENNE.

Le gouvernement russe a envoyé à Vienne un gigantesque spécimen de son matériel d’artillerie navale ; il n’est peut-être pas sans intérêt d’établir un parallèle entre les divers systèmes actuellement en usage pour la fabrication des bouches à feu de gros calibre. Notre intention n’étant pas, en raison même de l’importance du sujet, de faire un historique complet des canons de marine, nous parlerons seulement de ceux dont le diamètre est supérieur à 25 centimètres : les uns se chargeant par la bouche, les autres par la culasse. C’est surtout, en effet, de ces énormes pièces que les grandes puissances de l’Europe se servent aujourd’hui, pour l’armement des navires et la défense des côtes, alors qu’il s’agit de lutter, d’une manière sérieuse, contre des vaisseaux blindés et des batteries flottantes pourvues de cuirasses en fer de 12 à 35 centimètres d’épaisseur !

Les trois principaux systèmes usités sont les suivants :

Système de Woolwich (ou Fraser),
Krupp,
français ;

le premier employé par l’Angleterre, le second par la Prusse et la Russie, et le troisième par la France, l’Italie et plusieurs autres puissances.

Avant de passer à l’examen de ces divers modes de fabrication, il importe d’indiquer les motifs qui ont engagé les constructeurs modernes à substituer le fer au bronze : ce dernier métal offrait cependant un grand avantage, celui de pouvoir être facilement coulé dans des moules, tandis que le fer et l’acier ne peuvent être travaillés qu’au moyen d’un outillage spécial, impliquant une augmentation notable de la main-d’œuvre. Les bouches à feu en bronze, qui donnent d’excellents résultats comme pièces de cam-