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troisième runo

grand et vaste. Prends celui des deux qui te plaira ! »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Je n’ai que faire de tes bateaux, je ne veux en choisir aucun. J’ai des bateaux, moi aussi, j’en ai sur tous les golfes ; des bateaux solides contre le vent, splendides dans la tempête. »

Et il berna de nouveau le jeune Joukahainen, et il l’enfonça plus profondément dans le marais.

Le jeune Joukahainen dit : « J’ai deux chevaux, deux beaux chevaux. L’un est un coursier rapide comme l’éclair, l’autre un timonier d’une force merveilleuse. Prends celui des deux qui te plaira ! »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Je n’ai que faire de tes chevaux, je ne me soucie point de tes bêtes au sabot de fer. J’ai des chevaux, moi aussi ; mes écuries en sont pleines. L’eau ruisselle sur leur dos, un lac de graisse dort sur leur croupe[1]. »

Et il berna de nouveau le jeune Joukahainen, et il l’enfonça plus profondément dans le marais.

Le jeune Joukahainen dit : « Ô vieux Wäinämöinen, rappelle à toi tes paroles sacrées, tes ensorcellements magiques ; je te donnerai un casque plein d’or, un chapeau plein d’argent : tout l’or, tout l’argent que mon père a gagné dans les combats, qu’il a rapporté de ses courses guerrières[2] ! »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Je n’ai que faire de ton argent ; Je ne cours point, insensé, après ton or. Mes aitta[3] en sont pleines, mes coffres en regorgent. Mon or est antique comme la lune, mon argent a l’âge du soleil[4]. »

  1. Locution finnoise pour exprimer la finesse de la robe et l’état florissant du cheval
  2. Les Finnois, comme les anciens Vikings scandinaves entreprenaient, au loin, des expéditions aventureuses d’où ils rapportaient souvent un riche butin. On a même prétendu que le mot Corsaire est d’origine finnoise ; il viendrait, soi-disant, d’une île de la mer de Courlande Kuursaari, ou Kuurin-saari, ancienne station de pirates finnois.
  3. V. page 3, note 5.
  4. Wäinämöinen veut faire ressortir ainsi la solidité de sa richesse ; plus un trésor est ancien, plus il a de prix.