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le kalevala

la montagne, la plus ancienne des grandes chaudières. »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen dit : « As-tu encore quelque chose dans la tête, ou ton bavardage est-il fini ? »

Le jeune Joukahainen dit : « Je me souviens encore de quelque chose ; je me souviens de ce temps où j’étais à labourer la mer, à sonder les abîmes, à creuser des trous aux poissons, à plonger jusqu’au cœur de l’eau[1], à former les lacs, à amonceler les collines, à joindre ensemble les rochers.

« J’étais présent, moi sixième, mot septième, lorsque la terre fut créée, lorsque l’espace fut déroulé. Et j’ai aidé à fixer les colonnes de l’air sur leur base, à suspendre l’arc-en-ciel au milieu des nuages, à attacher la lune à la voûte éthérée, à lancer le soleil dans sa carrière, à placer Otawa[2] sur sa route, à semer les étoiles dans les cieux. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Tu entasses ici mensonge sur mensonge ! Non, on ne t’a point vu lorsque la mer était labourée comme une plaine, lorsque les abîmes étaient creusés, les trous préparés pour les poissons, l’eau pénétrée jusqu’au cœur, les lacs formés, les collines amoncelées, les rochers joints ensemble. On ne t’a point vu, non plus, on n’a point entendu parler de toi lorsque la terre à été créée, l’espace déroulé, les colonnes de l’air fixées sur leur base, l’arc-en-ciel suspendu au milieu des nuages, la lune attachée à la voûte éthérée, Otawa placée sur sa route, le soleil lancé dans sa carrière, les étoiles semées dans les cieux. »

Le jeune Joukahainen dit : « Si ma science n’est pas suffisante, mon glaive y suppléera. Ô vieux Wäinämöinen, ô runoia à la vaste bouche, viens, maintenant, mesurer le glaive, viens éprouver la lame d’acier ! »

  1. Partie élémentaire, essentielle de l’eau.
  2. V. page 8, note 1.