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le kalevala

Tursas[1] surgit du fond de la mer. Il mit le feu à l’herbe coupée et la livra au pouvoir de la flamme. Tout brûla jusqu’à la cendre nue.

Et, maintenant, c’est au cœur de cette cendre, de cette suie aride, que croîtra le feuillage bien-aimé, que germera le gland du chêne. Déjà la belle plante, le vert rejeton apparaît ; il brille comme une fraise, et de sa tige s’échappe une double branche.

Ses rameaux se dilatent, sa cime monte jusqu’au ciel, ses branches envahissent l’espace ; il arrête, dans leur vol, les nuées légères, il interrompt la course des grands nuages, il obscurcit la lune et le soleil.

Alors, le vieux Wäinämöinen réfléchit profondément. « N’y a-t-il personne qui puisse arracher le chêne, abattre le bel arbre ? L’ennui s’emparera des hommes, les poissons nageront difficilement, si la lune ne brille point, si le soleil cache son flambeau. »

Mais nul homme, nul héros ne se présenta pour arracher le chêne, pour abattre l’arbre aux cent branches.

Le vieux Wäinämöinen dit : « Ô femme, ô mère qui m’as porté dans ton sein, Luonnotar[2], toi qui m’as nourri, envoie ici une des puissances des eaux (les eaux en renferment un grand nombre) qui arrache le chêne, détruise l’arbre fatal, afin de dégager les voies du soleil, de frayer la route aux rayons de la lune. »

Un homme, un héros s’éleva du sein des flots. Il n’était ni des plus grands ni des plus petits[3] ; il était haut comme le pouce d’un homme, comme l’empan d’une femme.

Un casque de cuivre couvre sa tête et retombe jusque sur ses épaules ; des bottes de cuivre couvrent ses

  1. Ou Turso, mauvais génie des eaux, d’une figure monstrueuse. Le service qu’il rend ici à Wäinämöinen sort exceptionnellement de ses attributions caractéristiques.
  2. V. page 4, note 4.
  3. Idiotisme finnois, d’un usage fréquent. C’est une manière de parler quand on ne veut pas préciser ce qu’on dit.