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le kalevala

bien connue, sous ce beau toit, et j’ouvrirai le trésor de ses paroles, je dénouerai le sac plein de runot, je déroulerai mon peloton.

Oui, je chanterai un chant magnifique, un chant splendide, quand j’aurai mangé le pain de seigle, quand j’aurai bu la bière d’orge. Et si la bière vient à manquer, si l’on n’offre point de taari[1], alors ma bouche sèche invoquera la goutte d’eau ; et je chanterai pour réjouir le soir, pour célébrer l’éclat du jour ; je chanterai jusqu’à l’aurore, pour charmer le lever du soleil.

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J’ai entendu qu’il a été dit, je sais qu’il a été chanté : seules, une à une, les nuits tombent sur la terre ; seuls, un à un, les jours brillent ; seul a surgi Wäinämöinen ; seul s’est révélé le Runoia[2] éternel. Une femme l’a porté dans son sein, la fille d’Ilma[3] lui a donné le jour.

Il était une vierge, une belle vierge, Luonnotar[4], fille d’Ilma. Elle vivait depuis longtemps chaste et pure, au milieu des vastes régions de l’air, des espaces immenses de la voûte éthérée.

Mais, voilà qu’elle ressentit l’ennui dans ses jours, qu’elle se fatigua de sa virginité stérile, de son existence solitaire, au milieu des vastes régions de l’air, de ses plaines désertes et mornes.

Et elle descendit de ses hautes sphères, et elle s’élança en pleine mer, sur la blanche croupe des vagues.

Alors, un vent impétueux, un vent d’orage souffla de l’Orient, la mer se gonfla et s’agita dans ses flots.

La vierge fut ballottée par la tempête ; elle flotta de

  1. Bière légère ou boisson commune.
  2. Compositeur et chanteur de runot, Barde.
  3. Personnification de l’air.
  4. Fille de la nature (Luonto). — Force créatrice.