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quarante-neuvième runo

Ils commencèrent par lui adresser la parole et par l’interroger : « Que nous veut l’homme misérable, que vient raconter le nageur ? »

Le vieux, l’imperturbable Wäinämöinen répondit : « J’ai à vous raconter quelque chose d’étrange, quelque chose d’étonnant sur le soleil et sur la lune. Où le soleil s’est-il réfugié, en nous quittant ? où la lune a-t-elle pris la fuite ? »

Les garçons de Pohja, maudite engeance, répondirent : « Le soleil, en vous quittant, s’est retiré ici ; la lune a disparu dans un rocher aux flancs tachetés, dans une montagne de fer. Tu ne les en feras point sortir, si on ne les laisse échapper ; tu ne les délivreras point, si on ne leur rend la liberté. »

Le vieux Wäinämöinen dit : « Si le soleil n’est point enlevé du rocher, si la lune n’est point retirée de la montagne, nous en viendrons aux mains, nous engagerons la lutte du glaive. »

Et le héros dégaina son glaive ; il mit à nu l’acier mordant : la lune brillait à sa pointe, le soleil resplendissait sur sa garde, un cheval piaffait sur sa lame, un chat miaulait sur sa poignée[1].

La bataille commença, les glaives se mesurèrent. Celui de Wäinämöinen dépassait les autres de la hauteur d’un grain de froment, d’une gousse de paille.

Le vieux Wäinämöinen brandit son glaive une fois, il le brandit deux fois, et, telles que des feuilles de raves, telles que des tiges de lin, il faucha les têtes des fils de Pohja.

Puis le héros s’en alla pour retirer la lune, pour arracher le soleil des entrailles du rocher aux flancs tachetés, de la montagne d’acier, de la montagne de fer.

Quand il eut fait un peu de chemin, il aperçut une île verdoyante, et sur cette île, un bouleau superbe, et aux pieds de ce bouleau, une roche épaisse, et sous cette

  1. Voir page 384, note 3.