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quarante-huitième runo

reste d’un navire incendié, d’un bateau détruit. On sema la graine de lin dans la cendre, on l’enfouit dans la suie, sur les bords du lac d’Alue.

La graine germa et poussa des tiges d’une hauteur gigantesque, dans une seule nuit d’été.

Et le lin semé pendant la nuit, enfoui au clair de lune[1], fut sarclé et émondé, nettoyé et écalé, trié et peigné avec un soin diligent et sévère ; puis, on se hâta de le baigner, de l’amollir, de le sécher, et on l’apporta dans la maison. Là, il fut promptement ébarbé, roui à grand bruit et tillé, enfin, en moins de deux jours, on l’eut mis en étoupe et roulé sur le fuseau.

Alors, les sœurs le filèrent, les belles-sœurs le passèrent dans l’aiguille, les frères le nouèrent, les beaux-frères le fixèrent aux cordes ; et bientôt, on en fit une nasse superbe, une nasse profonde de cent brasses, large de sept cent brasses ; et quand elle fut armée de tous ses engins, les jeunes la lancèrent à l’eau ; et les vieux, du fond de leur demeure, se demandèrent : « Va-t-on faire une bonne pêche ? Quel est le poisson que l’on poursuit avec un si grand appareil ? »

Et l’on traîna la nasse avec ardeur, on la promena dans l’eau en long et en large, on prit un peu de poisson : de petites perches, race maudite, de grandes perches aux fortes arêtes, des roses gonflées de fiel, mais on ne prit pas le poisson pour lequel la nasse avait été préparée.

Le vieux Wäinämöinen dit : « Ô forgeron Ilmarinen, allons lancer nous-mêmes la nasse dans le lac ! »

Et les deux héros allèrent lancer la nasse dans le lac ; ils la lancèrent d’un côté contre une île, de l’autre contre la pointe d’un promontoire, et ils la tirèrent dans la direction du port de Wainölä[2].

  1. La runo semble oublier ici que la lune a déjà été dérobée et cachée dans les entrailles d’un rocher par la mère de famille de Pohjola. Nous avons déjà vu plus d’un exemple de pareilles contradictions.
  2. Voir page 19, note 1.