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quarante-quatrième runo

tar. C’était la plus méprisable des filles de Tuoni[1], la plus dégradée des filles de Manu[2] ; source de tout mal, principe de mille fléaux ; son visage était noir, sa peau d’un aspect horrible.

Cette hideuse fille de Tuoni, cette vierge aveugle d’Ulappala[3], dressa son lit sur la route, son grabat sur la terre nue ; et elle se coucha le dos contre le vent, le flanc contre l’air dur et froid, vis-à-vis le lever du soleil[4].

Survint un ouragan terrible, une grande tempête du côté de l’orient ; et le vent féconda la femme monstrueuse, sur le champ dépouillé d’arbres, sur la terre vide de gazon.

Elle porta un sein dur, un ventre lourdement chargé ; elle le porta deux et trois mois ; elle le porta quatre et cinq mois, sept et huit mois ; elle le porta neuf mois entiers, suivant l’antique mesure des femmes, et jusqu’à la moitié du dixième.

Alors, le fardeau devint fatigant et douloureux ; mais la délivrance n’arriva point, bien que le terme fût arrivé.

La femme changea de place ; la prostituée se rendit pour accoucher entre deux montagnes, dans l’écartement de cinq rochers ; mais, là encore, la délivrance n’arriva point, bien que le terme fût arrivé.

La prostituée chercha une autre place ; elle se transporta près des sources bondissantes, au sein des ruisseaux murmurants, mais, là encore, elle ne put déposer son fardeau.

Elle gagna la chute mugissante d’une cataracte de feu, elle plongea au milieu du vaste tourbillon, sous trois torrents déchaînés, sous neuf rochers escarpés ; mais, là encore, la misérable ne fut point délivrée.

Alors, la femme abominable se mit à pleurer, la créa-

  1. Voir page 120, note 1.
  2. Pour Mana, même personnification que Tuoni.
  3. Ulappa, lieu vaste, régions lointaines.
  4. « Kohin päivän koittehesen. »